Evangeline | Page 7

Henry Wadsworth Longfellow
au village,??Je ne puis toutefois croire que ces vaisseaux??Viennent sur notre rive apporter des fl��aux;??Car nous sommes en paix; et pourquoi l'Angleterre??Ainsi nous ferait-elle ��prouver sa col��re???--?Nom de Dieu!? s'��cria le bouillant forgeron,?Qui parfois d��cochait un sonore juron,??Faut-il donc regarder toujours en toute chose,??Le pourquoi, le comment? Il n'est rien que l'on n'ose!??L'injustice est partout et personne n'a tort:??Tout le droit maintenant appartient au plus fort.??Sans para?tre observer la chaleur de Basile?Leblanc continua d'une voix fort tranquille:??L'homme est injuste, mais le bon Dieu ne l'est pas:??La justice triomphe �� son tour ici-bas.??Et pour preuve je vais vous redire une histoire??Qui ne s'efface point de ma vieille m��moire:??Elle me consolait de mon destin fatal??Lorsque j'��tais captif au fort de Port Royal.??Un vieillard aimait bien cette histoire touchante:??A ceux qui maltraitait quelque langue m��chante??D'une voix tout ��mue il allait la conter:??Je voudrais comme lui pouvoir la r��p��ter:
--?Sous le ciel africain, dans une ville antique??On voyait autrefois, sur la place publique,??Une haute colonne au pi��destal d'airain??Qu'avait fait ��lever un puissant souverain,??Et sur cette colonne une statue en pierre,??Figurait la justice impartiale et fi��re;??Une large balance, un glaive mena?ant??Etaient ses attributs, et disaient au passant??Que dans cette cit�� la supr��me justice??De l'opprim�� toujours ��tait la protectrice.??Cependant la balance, au fond de ses plateaux,??Voyait chaque printemps, bien des petits oiseaux??Batir leur nids moelleux en chantant sans craindre??Le glaive flamboyant qui semblait les atteindre.??Mais petit �� petit se corrompit la loi:??Aux mis��res du pauvre on n'ajouta plus foi,??Et et le faible, sans cesse en butte �� l'ironie,??Dut subir du plus fort la lache tyrannie.??On afficha le vice, et chaque tribunal??Outragea l'innocence et prot��gea le mal.
?Un jour il arriva que certaine duchesse??Perdit un collier neuf d'une grande richesse:??N'ayant pu le trouver elle voulu, du moins,??Venger avec ��clat et sa perte et ses soins.??Elle accusa de vol, en face de la ville.??Une pauvre orpheline, une pieuse fille,??Qui depuis de longs s��jours la servait humblement.??Le proc��s, pour la forme, eut lieu bien promptement??Et le juge pervers condamna la servante??A mourir au gibet d'une mort infamante.??Autour de l'��chafaud on vit les curieux,??Press��s, impatients, inonder tous les lieux.??La jeune fille vint, calme mais abattue,??Subir son triste sort eu pied de la statue.??Le bourreau la saisit. Au moment solennel??O�� son coeur s'��levait vers le Juge Eternel,??Un orage mugit; l'impitoyable foudre??Ebranle la colonne et la r��duit en poudre,??Et la balance tombe avec un sourd fracas;??Or dans un des plateaux qui se brisent en bas??On voit un nid brillant... c'��tait un nid de pie??Dans lequel s'enla?ait avec coquetterie??Parmi les brins de foin, le collier pr��cieux...??C'est ainsi qu'��clata la justice des cieux!?
Quand le p��re Leblanc eut fini son histoire?Basile ne dit mot mais ne parut rien croire;?Il n'en concluait point qu'on n'avait d��sormais?Nul motif d'avoir peur des navires anglais.?Il voulait r��pliquer et manquait de langage.?Ses pensers demeuraient empreintes sur son visage?Comme sur une vitre, on voit dans les hivers,?La vapeur se geler sous mille aspects divers.
Alors Evang��line, �� la braise de l'atre,?S'empresse d'allumer la lampe au pied d'albatre,?Et tout l'appartement luisant de propret��?Se remplit aussit?t d'une vive clart��.?Ensuite elle s'en vient d��poser sur la table?Un pot d'airain rempli de cidre d��lectable.?Tandis que le notaire ��talant son papier,?Ecrit d'une main prompte, et sans rien oublier?Les noms des contractants, la date et puis leur age,?La dot qu'Evang��line apporte en mariage?De tous les divers points sans en oublier un.?Et quand tout fut ��crit comme voulait chacun,?Que le sceau de la loi fut mis, brillant et large,?Comme le soleil levant sur le blanc de la marge,?Le vieux fermier tira sa bourse de chamois?Puis offrit au notaire au moins deux ou trois fois?En bel et bon argent le prix de son ouvrage.?Le notaire charm��, forma, selon l'usage,?Des voeux pour le bonheur du couple fianc��;?Puis il prit sur la table apr��s s'��tre avanc��,?Le large pot d'airain o�� fermentait la bi��re,?Remplit, d'un air joyeux la coupe tout enti��re,?Et but �� la sant�� des gens de la maison.?Chacun prit �� son tour l'��cumeuse boisson.?Du cidre sur sa l��vre il essuya l'��cume;?Il prit son large feutre, il prit sa longue plume,?Son rouleau de papier et donna le bonsoir.?Les amis qui restaient vinrent alors s'asseoir?En cercle devant l'atre o�� p��tillaient les flammes?Evang��line prit le damier et les dames?Qu'elle alla pr��senter aux paisibles vieillards.?La lutte commen?a. Leurs anxieux regards?Voyaient avec plaisir les pions dresser un si��ge,?Et les dames tomber dans un perfide pi��ge.?Cependant l'un et l'autre ils s'amusaient beaucoup?D'une manoeuvre heureuse ou d'un malheureux coup.?Les fianc��s assis dans la fen��tre ouverte?Ecoutaient sur la rive expirer l'onde verte.?Heureux et souriants ils se parlaient d'amour,?En regardant les flots qui chantaient tout �� tour,?Et les rubans de feu sur l'��cume des vagues;?La lune qui veillait, et les bruines vagues?Qui tra?naient mollement leurs robes sur les pr��s?Et les ��toiles d'or dans les cieux empourpr��s.
Ainsi passait le soir dans la joie et l'ivresse,?Et le temps paraissait redoubler de vitesse.?Tout �� coup
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