Evangeline | Page 5

Henry Wadsworth Longfellow
se tordait sous les vents de septembre?Comme un jeune coursier qui hennit et se cambre.?Tout, alors pr��sageait un hiver rigoureux.?L'abeille avait gard�� tout son miel savoureux,?Et les coureurs des bois et les chasseurs sauvages?Qui, dans un cas pareil, se pr��tendaient fort sages,?Assuraient que l'hiver serait dur et mauvais?Car le renard perfide avait le cuir ��pais.
Ainsi venait l'automne et les froids avec elle.?Mais ce temps enchanteur, cette ��poque si belle?Qu'on appelle au hameau l'��t�� de la Toussaint?Ranima le coeur triste et le soleil ��teint:?L'univers rayonnant et brillant de fra?cheur,?Semblait sortir des mains du sage Cr��ateur.?On e?t dit que l'amour r��gnait dans tout le monde;?Que l'oc��an chantait pour endormir son onde!?Et des accents nouveaux, de magiques concerts?Paraissaient s'��lever des bourgs et des d��serts!?Des enfants qui jouaient les voix vives et nettes,?Les refrains s��millants des luisantes girouettes?Qui criaient dans les airs, sur les toits des donjons,?Les doux roucoulements des amoureux pigeons,?Les plaintes de la brise et les battements d'ailes?Des oiseaux qui volaient au-dessus des tourelles?Tout n'��tait qu'harmonie, ivresse et pur amour!?Tout semblait du printemps annoncer le retour!?Sur le bord de la mer et des hautes collines?Le soleil argentait les limpides bruines;?L'oc��an ��tait d'or: les arbres des for��ts?Ber?ant, avec orgueil, les chatoyants reflets?De leur manteau safran, ou pourpre ou diaphane,?Etincelait de loin comme le fier platane,?Quant le Perse idolatre orne ses verts rameaux?De voiles ��clatants et de brillants joyaux.?Tout respirait la paix, le calme et l'innocence:?La nuit dans les vallons descendait en silence,?Et l'��toile du soir ��tincelait encor.?Irisant le ciel bleu de ses filandres d'or.?Les troupeaux bondissants regagn��rent l'��table?En flairant du gazon le parfum d��lectable.?En respirant du soir l'agr��able fra?cheur.?Devan?ant les troupeaux, brillante de blancheur,?Venait en s'��battant une grasse g��nisse,?Celle d'Evang��line, avec son beau poil lisse.?Sa clochette joyeuse et son joli collier.?On vit le jeune patre �� travers le hallier,?Ramener en chantant les brebis du rivage?Ou croissait chaque ann��e un riche paturage.?Pr��s de lui le gros chien au poil long et soyeux?Fi��rement trottinait d'un air libre et joyeux,?Et pressait les tra?nards qui restaient en arri��re.?Quand le jeune berger dormait sous la bruy��re?C'��tait lui qui gardait les timides agneaux.?Et la nuit quand les loups r��unis en troupeaux,?Dans les bois d'alentour hurlaient leur cris de rage,?Lui seul les prot��geait par son noble courage.
Quand la lune plus tard, ��claira l'horizon,?Que sa molle lueur argenta le gazon,?Les chariots remplis d'un foin aromatique?Arriv��rent des champs �� la grange rustique:?Sous de larges harnais d��cor��s de pompons?Les chevaux hennissants balan?aient leurs grands fronts,?Secouaient avec bruit leur ��paisse crini��re?O�� tombaient la ros��e et la fine poussi��re,?Et rongeaient l'acier dur de leur mors ��cumant:?La f��conde g��nisse arr��t��e un moment?Ruminait, l'oeil pensif, pendant que la laiti��re?En ��cume d'argent, dans sa blanche chaudi��re,?Faisait couler le lait. Et dans la basse-cour,?R��p��t��s par l'��cho des granges d'alentour,?L'on entendit encor, comme dans un d��lire,?Des b��lements, des cris et des ��clats de rire.?Mais ce bruits, toutefois, s'��teignit promptement;?Un grand calme se fit tout �� coup, seulement,?En roulant sous leurs gonds les portes de la grange?Firent, dans le silence, un grincement ��trange.
Assis dans son fauteuil fait de bois de noyer?Benoit le laboureur regardait, au foyer,?La flamme qui lan?ait d'��blouissantes fl��ches,?L'ondulante fum��e et les vives flamm��ches,?Qui tournoyaient gaiement comme des feux-follets.?Sur le mur, en arri��re, o�� les joyeux reflets?Dansaient l��g��rement des rondes fantastiques,?Son ombre se peignait avec des traits comiques;?Pendant qu'�� la clart�� du foyer vacillant,?Prenant un air moqueur, au regard s��millant,?Chaque face sculpt��e au dossier de sa chaise?Semblait s'��panouir et sourire �� son aise,?Et que sur le buffet, les plats de fin ��tain?Luisaient comme un soleil des boucliers d'airain.
Le bon vieillard chantait d'un ton m��lancolique?Des refrains de chansons, des couplets de cantique,?Ainsi que ses a?eux, jadis, avaient chant��,?A l'ombre de leur bois, sous leur ciel enchant��,?Leur ciel de Normandie. Et son Evang��line,?Portant jupe ray��e et blanche capeline?Filait, en se ber?ant, une filasse d'or.?Le m��tier dans son coin se reposait encor.?Mais le rouet actif m��lait avec constance,?Son ronflement sonore �� la douce romance?Que chantait le vieillard assis devant le feu.?Comme dans le lieu saint quand le chant cesse un peu?On entend, sous les pas, vibrer l'auguste enceinte,?Ou du pr��tre �� l'autel on entend la voix sainte.?Ainsi quand le fermier, vaincu par les ��mois,?Suspendait les accents de sa dolente voix,?De la vieille pendule au milieu des t��n��bres?On entendait les coups r��guliers et fun��bres.
Pendant que le vieillard chantait dans son fauteuil?On entendit des pas retentir sur le seuil,?Et la clenche de bois bruyamment soulev��e?De quelque visiteur annon?a l'arriv��e.?Benoit reconnut bien les pas du forgeron?Avec ses gros souliers pleins de clous au talon,?Ainsi qu'Evang��line, �� l'��moi de son ame?O�� se m��lait le trouble et la plus chaste flamme,?Avait bien devin�� qui venait avec lui.?--?Ah! sois le bienvenu, Lajeunesse, aujourd'hui!?S'��cria le fermier en le voyant para?tre,??La gaiet��, quant tu viens, semble aussit?t rena?tre!??Veux-tu donc savourer un tabac g��n��reux???J'en ai plus qu'il t'en faut, et j'en suis fort heureux??Prends au coin du foyer ta place accoutum��e;??Et
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