Evangeline | Page 3

Henry Wadsworth Longfellow
le duvet des pr��s devenus son domaine.?Au couchant, au midi, jusqu'au loin dans la plaine?S'��tendaient des vergers et des bouquets d'ormeaux.?Le lin vert balan?ait ses fr��les chalumeaux?Et le bl�� jaunissant, ses tiges plus robustes;?Vers le nord surgissaient mille sortes d'arbustes?Des bois myst��rieux et de sombres halliers;?Et, sur les hauts sommets des monts irr��guliers,?De magiques brouillards, des brumes ��clatantes,?Se paraient au soleil de couleurs inconstantes?Et semblaient admirer le vallon dans la paix?Sans oser cependant y descendre jamais.?C'est l�� qu'apparaissaient, charmantes et coquettes,?Les maisons du hameau qui toutes ��taient faites?Avec du bois de ch��ne, ou d'orme ou de noyer.?Comme le paysan batissait son foyer,?Dans la terre Normande, alors que sur le tr?ne?S'asseyaient les Henri. Un chaume frais et jaune?Arrang�� par faisceaux, recouvrait tous les toits;?Des lucarnes laissaient, par les chassis ��troits,?P��n��trer le soleil jusqu'au fond des mansardes.?Lorsque tournant au vent, les girouettes criardes?S'illuminaient des feux d'un beau soleil couchant,?Dans les beaux soirs d'��t��, lorsque l'herbe du champ?Exhalait son ar?me et tremblait �� la brise,?Sur le seuil de la porte avec leur jupe grise,?Leur blanche capeline et leur mantelet noir,?Les femmes du hameau venaient gaiement s'asseoir,?Et filaient leur quenouille; et les brunes fillettes?Unissaient leurs chansons au bruit clair des navettes?Tournant sur les m��tiers leurs essieux de roseau,?Au joyeux ronflement du rapide fuseau.?Le pasteur du village, humble et v��n��r�� pr��tre,?Alors ne tardait pas d'ordinaire �� para?tre.?En le voyant venir d'un pas majestueux?Tous les petits enfants cessaient leurs bruyants jeux,?Leurs courses dans les pr��s, leurs cris de toutes sortes?Et retournaient s'asseoir en rang devant les portes.?Arr��tant leurs fuseaux, les femmes se levaient,?Et, par des mots polis, toutes le saluaient.?Bient?t les laboureurs revenant de l'ouvrage?A l'��table menaient leur pesant attelage.?Le soleil ��maillait la pente du c?teau:?Et ses derniers rayons, comme des filets d'eau,?Jusques au fond du val, glissaient de roche en roche.?De sa voix argentine au m��me instant la cloche?Annon?ait l'ang��lus et le d��clin du jour.?Et, pardessus les toits et les monts d'alentour,?On voyait la fum��e en colonnes bleuatres,?Comme des flots d'encens, s'��chapper de ces atres?O�� l'on go?tait la paix, le plus divin des biens.
Ainsi vivaient alors les simples Acadiens:?Leurs jours ��taient nombreux et leur mort ��tait sainte.?Libres de tout souci comme de toute crainte,?Leurs portes n'avaient point de clef ni de loquet;?Car dans l'ombre des nuits nul n'��tait inquiet;?Et, chez ces bonnes gens, on trouvait la demeure?Ouverte comme l'ame, �� chacun, �� toute heure.?L�� le riche vivait avec frugalit��,?Le pauvre n'avait point de nuits d'anxi��t��.
Sur une grande ferme attach��e au village,?Et tout pr��s du bassin, au milieu du feuillage,?On voyait, autrefois une belle maison?A l'air un peu coquet avec son blanc pignon:?C'��tait l�� qu'habitait Benoit Bellefontaine.?Il avait avec lui, dans ce joli domaine,?La jeune Evang��line, une suave fleur.?Tous deux vivaient heureux. Benoit avait du coeur,?Une haute stature, un bras fort, un front have,?Un oeil intelligent mais peut-��tre un peu cave,?Un d��marche ferme et soixante-et-dix ans.?Avec son teint de bronze et ses longs cheveux blancs?Il ��tait comme un ch��ne au milieu d'une lande.?Un ch��ne que la neige orne d'une guirlande.?Et cette jeune fille, elle ��tait belle �� voir,?Avec ses dix-sept ans, son front pur, son oeil noir?Qu'ombrageait une ��paisse et longue chevelure;?Comme au bord de la route une discr��te m?re?D��rob��e �� demi par un ��pais buisson!?Elle ��tait belle �� voir, au temps de la moisson,?Lorsqu'elle s'en allait �� travers la prairie,?Avec son corset rouge et sa jupe fleurie,?Porter aux moissonneurs assis sur les gu��rets,?Chaque jour, un flacon tout plein de cidre frais!?Mais les jours de dimanche elle ��tait bien plus belle!?Quand la cloche sonnait dans la haute tourelle?Que le pr��tre, en surplis, b��nissait, au saint lieu,?Le peuple rassembl�� pour rendre hommage �� Dieu,?On la voyait venir le long de la bruy��re,?Tenant dans sa main blanche un livre de pri��re?Ou les grains v��n��r��s d'un humble chapelet.?Elle portait alors ��l��gant mantelet,?Jupon bleu, souliers fins, chapeau de Normandie,?Et brillants anneaux d'or qu'aux rives d'Acadie?Une a?eule de France autrefois apporta;?Que la m��re, en mourant, �� sa fille quitta?Comme un gage sacr��, comme un saint h��ritage?Mais un ��clat plus doux inondait son visage?Quand, venant de confesse �� l'approche du soir,?Elle passait sans bruit sur le bord du trottoir?Adorant dans son coeur Dieu qui l'avait b��nie.?On aurait dit alors qu'une pure harmonie?Comme un accord qui meurt sur ses pas s'��levait.?La maison du fermier en ces temps se trouvait?Sur un charmant c?teau dont la pente riante?S'inclinait, par degr��s, vers la rive bruyante.?Le sentier pour s'y rendre ��tait bord�� d'ormeaux;?Un sycomore altier, de ses vastes rameaux,?En ombrageait la porte et la sombre toiture.?A travers la prairie un sentier de verdure?Conduisait au verger tout en fleurs le printemps.?L'automne, tout en fruits. Dans ses bras palpitants?Une vigne encha?nait l'antique sycomore?Et prot��geait l'essaim d'une ruche sonore.?Et plus bas se trouvaient, sur le flanc du c?teau,?Le puits au bord mousseux, et tout aupr��s, un sceau?Et l'auge o�� s'abreuvaient les boeufs et les g��nisses,?Puis du c?t�� du nord plusieurs
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