Esther | Page 8

Jean Baptiste Racine
commence qu'�� luire, Dans ce lieu redoutable oses-tu m'introduire?
HYDASPE.
Vous savez qu'on s'en peut reposer sur ma foi, 375 Que ces portes, Seigneur, n'ob��issent qu'�� moi. Venez. Partout ailleurs on pourrait nous entendre.
AMAN.
Quel est donc le secret que tu me veux apprendre?
HYDASPE.
Seigneur, de vos bienfaits mille fois honor��, Je me souviens toujours que je vous ai jur�� 380 D'exposer �� vos yeux par des avis sinc��res Tout ce que ce palais renferme de myst��res. Le Roi d'un noir chagrin para?t envelopp��. Quelque songe effrayant cette nuit l'a frapp��. Pendant que tout gardait un silence paisible, 385 Sa voix s'est fait entendre avec un cri terrible. J'ai couru. Le d��sordre ��tait dans ses discours. Il s'est plaint d'un p��ril qui mena?ait ses jours: Il parlait d'ennemi, de ravisseur farouche; M��me le nom d'Esther est sorti de sa bouche. 390 Il a dans ces horreurs pass�� toute la nuit. Enfin, las d'appeler un sommeil qui le fuit, Pour ��carter de lui ces images fun��bres, Il s'est fait apporter ces annales c��l��bres O�� les faits de son r��gne, avec soin amass��s, 395 Par de fideles mains chaque jour sont trac��s. On y conserve ��crits le service et l'offense, Monuments ��ternels d'amour et de vengeance. Le Roi, que j'ai laiss�� plus caime dans son lit, D'une oreille attentive ecout�� ce r��cit. 400
AMAN.
De quel temps de sa vie a-t-il choisi l'histoire?
HYDASPE.
Il revoit tous ces temps si remplis de sa gloire, Depuis le fameux jour qu'au tr?ne de Cyrus Le choix du sort pla?a l'heureux Assu��rus.
AMAN.
Ce songe, Hydaspe, est donc sorti de son id��e? 405
HYDASPE.
Entre tous les devins fameux dans la Chald��e, Il a fait assembler ceux qui savent le mieux Lire en un songe obscur les volont��s des cieux. Mais quel trouble vous-m��me aujourd'hui vous agite? Votre ame, en m'��coutant, para?t toute interdite. 410 L'heureux Aman a-t-il quelques secrets ennuis?
AMAN.
Peux-tu le demander dans la place o�� je suis, Ha?, craint, envi��, souvent plus mis��rable Que tous les malheureux que mon pouvoir accable?
HYDASPE.
H��! qui jamais du Ciel eut des regards plus doux? 415 Vous voyez l'univers prostern�� devant vous.
AMAN.
L'univers? Tous les jours un homme. . . un vil esclave, D'un front audacieux me d��daigne et me brave.
HYDASPE.
Quel est cet ennemi de l'��tat et du Roi?
AMAN.
Le nom de Mardoch��e est-il connu de toi? 420
HYDASPE.
Qui? ce chef d'une race abominable, impie?
AMAN.
Oui, lui-m��me.
HYDASPE.
H��, Seigneur! d'une si belle vie Un si faible ennemi peut-il troubler la paix?
AMAN.
L'insolent devant moi ne se courba jamais. En vain de la faveur du plus grand des monarques 425 Tout r��v��re �� genoux les glorieuses marques; Lorsque d'un saint respect tous les Persans touch��s N'osent lever leurs fronts �� la terre attach��s, Lui, fierement assis, et la t��te immobile, Traite tous ces honneurs d'impi��t�� servile, 430 Pr��sente �� mes regards un front s��ditieux, Et ne daignerait pas au moins baisser les yeux. Du palais cepeudant il assi��ge la porte: A quelque heure que j'entre, Hydaspe, ou que je sorte, Son visage odieux m'afflige et me poursuit; 435 Et mon esprit troubl�� le voit encor la nuit. Ce matin j'ai voulu devancer la lumi��re: Je l'ai trouv�� couvert d'une affreuse poussi��re, Rev��tu de lambeaux, tout pale; mais son oeil Conservait sous la cendre encor le m��me orgueil. 440 D'o�� lui vient, cher ami, cette impudente audace? Toi, qui dans ce palais vois tout ce qui se passe, Crois-tu que quelque voix ose parler pour lui? Sur quel roseau fragile a-t-il mis son appui?
HYDASPE.
Seigneur, vous le savez, son avis salutaire 445 D��couvrit de Thar��s le complot sanguinaire. Le Roi promit alors de le r��compenser. Le Roi, depuis ce temps, para?t n'y plus penser.
AMAN.
Non, il faut �� tes yeux d��pouiller l'artifice. J'ai su de mon destin corriger l'injustice, 450
Dans les mains des Persans jeune enfant apport��, Je gouverne l'empire o�� je fus achet��. Mes richesses des rois ��galent l'opulence. Environn�� d'enfants, soutiens de ma puissance, Il ne manque �� mon front que le bandeau royal. 455 Cependant (des mortels aveuglement fatal!) De cet amas d'honneurs la douceur passag��re Fait sur mon coeur �� peine une atteinte l��g��re; Mais Mardoch��e, assis aux portes du palais, Dans ce coeur malheureux enfonce mille traits; 460 Et toute ma grandeur me devient insipide, Tandis que le soleil ��claire ce perfide.
HYDASPE.
Vous serez de sa vue affranchi dans dix jours: La nation enti��re est promise aux vautours.
AMAN.
Ah! que ce temps est long �� mon impatience! 465 C'est lui, je te veux bien cofier ma vengeance, C'est lui qui, devant moi refusant de ployer, Les a livr��s au bras qui les va foudroyer. C'��tait trop peu pour moi d'une telle victime: La vengeance trop faible attire un second crime. 470 Un homme tel qu'Aman, lorsqu'on l'ose irriter, Dans sa juste fureur ne peut trop ��clater. Il faut des chatiments dont l'univers fr��misse; Qu'on tremble en comparant l'offense et le supplice; Que les peuples entiers dans le
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