Eric le Mendiant | Page 9

Pierre Zaccone
Tanneguy, qui s'enivrait peu �� peu de sa propre col��re.
-- Oh! c'est tout vu!...
-- Tu viendras?
-- J'irai!...
-- M��me si je te le d��fends?...
-- Surtout si vous me le d��fendez.
-- Mis��rable! s'��cria Tanneguy.
Et sa figure prit aussit?t une expression terrible; ses yeux s'inject��rent de sang, et il leva son baton noueux sur la t��te du mendiant.
Ce dernier n'avait pas boug��; seulement sa main s'��tait doucement gliss��e dans la besace qui gisait �� ses c?t��s, et il en retira un instant apr��s une sorte de mauvais pistolet de poche qu'il y tenait constamment cach��.
Cependant, la col��re de Tanneguy semblait s'��tre ��teinte aussi vite qu'elle s'��tait allum��e, et son arme demeura un moment suspendue sur la t��te d'��ric, sans qu'il p?t se r��soudre �� la laisser retomber.
Mais lorsqu'il aper?ut le mouvement du mendiant, quand il vit que sa main s'��tait arm��e tout �� coup du pistolet qu'il venait de retirer de sa besace, et qu'il paraissait dispos�� �� en faire usage, sa col��re se ranima instantan��ment, ses mains se crisp��rent et d'un coup de peu-bas vigoureusement appliqu��, il fit tomber �� ses pieds le pistolet du mendiant.
��ric fut comme abasourdi de cette soudaine attaque, il se releva d'un bond, et se jeta avidement sur le pistolet qui venait de lui ��chapper.
Mais d��j�� Tanneguy avait eu le temps de poser le pied sur l'arme, et son baton s'��tait aussit?t relev��:
��ric le regarda stupidement, ne sachant pas trop s'il devait reculer ou avancer.
-- Vous ��tes un mis��rable, ma?tre ��ric, dit enfin le vieux Breton, mais cette fois d'une voix plus calme, et si je n'avais ��cout�� que ma col��re, j'aurais veng��, d'un seul coup, tous les honn��tes gens de la commune, que vous avez calomni��s, comme ma pauvre Marga?t... mais vous ne perdrez rien pour attendre, je vous le pr��dis, si vous continuez �� vous faire ainsi le digne instrument des vengeances du chateau.
Et comme ��ric, muet et immobile, ne quittait pas des yeux le pistolet sur lequel Tanneguy avait mis le pied:
-- Prenez-y garde, poursuivit ce dernier en lan?ant d'un coup de peu-bas l'arme dehors la cabane, prenez-y garde, ma?tre ��ric, vous jouez l�� un vilain jeu, qui vous conduira peut ��tre plus loin que vous ne voudriez aller... C'est tout ce que je puis vous dire, aujourd'hui; mais nous pourrons renouer cette conversation, si le d��sir vous prend jamais de revenir r?der autour de la ferme!...
En parlant ainsi, Tanneguy gagna la porte, et disparut bient?t dans le sentier de Kerhor.
��ric l'avait suivi jusque sur le seuil; quand il l'eut vu dispara?tre, il rentra dans la cabane, passa tranquillement sa besace �� son cou et releva son baton.
-- Si vous le voulez bien, monsieur Tanneguy, se dit-il alors, et tout en ajustant ses haillons, c'est ce soir que nous reprendrons la conversation.
Et il s'��loigna rapidement, en prenant la direction de Saint-Jean- du-Doigt.

IV
Vers la fin du jour, Marguerite se trouvait dans sa chambre, et elle songeait tristement �� tous les ��v��nements qui s'��taient succ��d�� depuis quelques heures seulement.
Marguerite savait les projets de d��part de son p��re, et son coeur se brisait quand elle venait �� penser que, sous peu de jours, que le lendemain peut-��tre, il lui faudrait quitter ce pays, o�� elle se sentait retenue par des liens myst��rieux et irr��sistibles: quand cette am��re pens��e s'emparait de son esprit, l'image sombre et d��sesp��r��e d'Octave passait devant elle, et ses yeux s'emplissaient de larmes.
Marguerite aimait Octave d'une sainte et pure amiti��; mais l'amiti�� d'une enfant na?ve comme elle aboutit souvent �� l'amour.
Depuis quelque temps surtout, la pauvre Marguerite ��prouvait �� l'approche d'Octave de singuliers sympt?mes qui jetaient bien souvent le trouble et l'effroi dans son esprit. Son coeur battait plus vite dans sa poitrine; le sang circulait plus ardent dans ses veines; tout son corps tressaillait d'une joie sans seconde quand, par hasard, sa main rencontrait la sienne. La nuit, Marguerite avait des insomnies ��tranges; aux pales rayons de la lune, il lui semblait voir les anges, ses soeurs, s'asseoir �� son chevet, et la contempler tristement; elle s'effrayait malgr�� elle, et, par une contradiction qu'elle ne pouvait comprendre, elle aimait ce trouble, cette frayeur, cette vague inqui��tude dont son ame ��tait pleine.
Qu'allait-elle devenir quand il lui faudrait s'��loigner? quand il lui faudrait quitter le bourg pour n'y plus revenir? quand il lui faudrait renoncer �� revoir jamais Octave?
Marguerite ne se sentait pas la force de lutter contre la volont�� de son p��re; elle n'en avait ni le courage ni la pens��e; elle ��tait d��cid��e d'avance �� faire le sacrifice de son amour, �� mourir lentement, plut?t que d'attrister, par un refus, la vieillesse de son p��re; et cependant combien de larmes, combien de tristesses, de d��sespoirs!...
La vieille Jeanne, la servante de l'abb�� Kersaint, n'avait pas quitt�� Marguerite; il se faisait tard cependant, et c ��tait l'heure du repos. La vieille Jeanne se mit en
Continue reading on your phone by scaning this QR Code

 / 30
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.