Elle et lui | Page 5

George Sand
dites-moi donc... c'est pure curiosit�� de ma part, je vous le d��clare, si elle est veuve ou...
--Ou quoi?
--Je voulais dire si elle est veuve d'un amant ou d'un mari.
--Je n'en sais rien.
--Pas possible!
--Parole d'honneur, je ne lui ai jamais demand��. ?a m'est si ��gal!
--Savez-vous ce qu'on dit?
--Non, je ne m'en soucie pas. Qu'est-ce qu'on dit?
--Vous voyez bien que vous vous en souciez! On dit qu'elle a ��t�� mari��e �� un homme riche et titr��.
--Mari��e...
--On ne peut plus mari��e, par-devant M. le maire et M. le cur��.
--Quelle b��tise! elle porterait son nom et son titre.
--Ah! voil��! Il y a un myst��re l��-dessous. Quand j'aurai le temps, je chercherai ?a, et je vous en ferai part. On dit qu'elle n'a pas d'amant connu, bien qu'elle vive avec une grande libert��. D'ailleurs, vous devez savoir cela, vous?
--Je n'en sais pas le premier mot. Ah ?a! vous croyez donc que je passe ma vie �� observer ou �� interroger les femmes? Je ne suis pas un flaneur comme vous, moi! je trouve la vie tr��s courte pour vivre et travailler.
--Vivre... je ne dis pas. Il para?t que vous vivez beaucoup. Quant �� travailler... on dit que vous ne travaillez pas assez. Voyons, qu'est-ce que vous avez l��? Laissez-moi voir!
--Non, ce n'est rien, je n'ai rien de commenc�� ici.
--Si fait: cette t��te-l��... c'est tr��s-beau, diable! Laissez-moi donc voir, ou je vous malm��ne dans mon prochain salon.
--Vous en ��tes bien capable!
--Oui, quand vous le m��riterez; mais, pour cette t��te-l��, c'est superbe et s'admire tout b��tement. Qu'est-ce que ?a sera?
--Est-ce que je sais?
--Voulez-vous que je vous le dise?
--Vous me ferez plaisir.
--Faites-en une sibylle. On coiffe ?a comme on veut, ?a n'engage �� rien.
--Tiens, c'est une id��e.
--Et puis on ne compromet pas la personne �� qui ?a ressemble.
--?a ressemble �� quelqu'un?
--Parbleu! mauvais plaisant, vous croyez que je ne la reconnais pas? Allons, mon cher, vous avez voulu vous moquer de moi, puisque vous niez tout, m��me les choses les plus simples. Vous ��tes l'amant de cette figure-l��!
--La preuve, c'est que je m'en vais �� Montmorency! dit froidement Laurent en prenant son chapeau.
--?a n'emp��che pas! r��pondit Mercourt.
Laurent sortit, et Mercourt, qui ��tait descendu avec lui, le vit monter dans une petite voiture de remise; mais Laurent se fit conduire au bois de Boulogne, o�� il d?na tout seul dans un petit caf��, et d'o�� il revint �� la nuit tomb��e, �� pied et perdu dans ses r��veries.
Le bois de Boulogne n'��tait pas �� cette ��poque ce qu'il est aujourd'hui. C'��tait plus petit d'aspect, plus n��glig��, plus pauvre, plus myst��rieux et plus champ��tre: on y pouvait r��ver.
Les Champs-Elys��es, moins luxueux et moins habit��s qu'aujourd'hui, avaient de nouveaux quartiers o�� se louaient encore �� bon march�� de petites maisons avec de petits jardins d'un caract��re tr��s-intime. On y pouvait vivre et travailler.
C'��tait dans une de ces maisonnettes blanches et propres, au milieu des lilas en fleur, et derri��re une grande haie d'aub��pine ferm��e d'une barri��re peinte en vert, que demeurait Th��r��se. On ��tait au mois de mai. Le temps ��tait magnifique. Comment Laurent se trouva, �� neuf heures, derri��re cette haie, dans la rue d��serte et inachev��e o�� les r��verb��res n'avaient pas encore ��t�� install��s, et sur les talus de laquelle poussaient encore les orties et les folles herbes, c'est ce que lui-m��me e?t ��t�� embarrass�� d'expliquer.
La haie ��tait fort ��paisse, et Laurent tourna sans bruit tout �� l'entour, sans apercevoir autre chose que des feuilles l��g��rement dor��es par une lumi��re qu'il supposa plac��e dans le jardin, sur une petite table aupr��s de laquelle il avait l'habitude de fumer quand il passait la soir��e chez Th��r��se. On fumait donc dans le jardin? ou on y prenait le th��, comme cela arrivait quelquefois? Mais Th��r��se avait annonc�� �� Laurent qu'elle attendait toute une famille de province, et il n'entendait que le chuchotement myst��rieux de deux voix, dont l'une lui paraissait ��tre celle de Th��r��se. L'autre parlait tout �� fait bas: ��tait-ce celle d'un homme?
Laurent ��couta �� en avoir des tintements dans les oreilles, jusqu'�� ce qu'enfin il entend?t ou cr?t entendre ces mots dits par Th��r��se:
--Que m'importe tout cela? Je n'ai plus qu'un amour sur la terre, et c'est vous!
--A pr��sent, se dit Laurent en quittant pr��cipitamment la petite rue d��serte et en revenant sur la chauss��e bruyante des Champs-Elys��es, me voil�� bien tranquille. Elle a un amant! Au fait, elle n'��tait pas oblig��e de me confier cela!... Seulement, elle n'��tait pas oblig��e de parler en toute occasion de mani��re �� me faire croire qu'elle n'��tait et ne voulait ��tre �� personne. C'est une femme comme les autres: le besoin de mentir avant tout. Qu'est-ce que ?a me fait? Je ne l'aurais pourtant pas cru! Et m��me il faut bien que j'aie eu la t��te un peu mont��e pour elle sans me l'avouer, puisque j'��tais l�� aux ��coutes, faisant le plus lache
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