Discours sur la nécessité et les moyens | Page 9

M. de Ladebat
somme compté à 8 pour cent dans les colonies, les risques de remplacements 5 pour cent font ensemble 13 pour cent ou 390 livres; si on y ajoute 110 livres seulement pour l'entretien et la nourriture, on trouvera que chaque esclave, bon travailleur, co?te au moins 500 livres, tandis que le prix d'un journalier en France n'est que de 300 à 350 livres, pour son travail annuel.
[16] _Caeteris servis non in nostrum morem descriptis per familiam ministeriis utuntur. Suam quisque sedem, suos penates regit. Frumenti modum dominus, aut pecoris, aut vestis, ut colono, injungit, et servus hactenus paret._ Tacite, de mor. Germ.; c'est le premier degré d'affranchissement que je propose.
[17] Par arrêt du conseil, du 29 Décembre 1776, j'avois obtenu une concession du terrein situé dans la Guyanne, entre les rivières d'Oyac et d'Aprouague, ce qui occupe une étendue d'environ 250 lieues quarrées, et voici ce que je demandois. ?Que tous les esclaves de la Guyanne eussent un pécule assuré et constant, et qu'il f?t loisible aux habitants, comme à la compagnie que je formois, de changer l'esclavage pur et simple en servage de glèbe?. Ce sont les termes d'un mémoire que je remis alors au ministre de la marine.
[18] Rousseau, du gouvernement de Pologne.
[19] C'est ce que les Romains appelloient adscripririos seu addictos glebae. Les addicti glebae étoient des serfs qui demeuroient attachés à la glèbe. Les adscripti glebae étoient des fermiers qui cultivoient en payant des redevances. Lorsque les Francs, dit Loiseau, conquirent les Gaules, ils réduisirent les naturels du pays à la servitude de glèbe. Le grand inconvénient de ces loix, ou plut?t leur injustice, étoit de ne pas prescrire des moyens d'affranchissement. La cupidité et la tyrannie y ajoutèrent successivement des dispositions vraiment barbares.
[20] Voici un chapitre de Montesquieu, qui fera mieux entendre encore la nature du servage que je propose. ?L'esclavage de glèbe s'établit quelquefois après une conquête. Dans ce cas l'esclave qui cultive doit être le colon partiaire du ma?tre. Il n'y a qu'une société de perte et de gain qui puisse réconcilier ceux qui sont destinés à travailler, avec ceux qui sont destinés à jouir?. Esp. des loix, liv. XIII, chap. 3.
[21] Je crois pouvoir prouver que le revenu particulier seroit augmenté dans le nouveau système de culture que je propose: mais quand il seroit un peu diminué, la réparation d'une grande injustice exigeroit bien ce sacrifice.
Une habitation en sucre terré ayant 80 carreaux en cannes, 120 qui peuvent être plantés, et 100 en savannes ou prairies et mornes, évaluée................................................ 1,400,000 l.
Ayant un attelier de 250 Nègres estimés à 2000 liv. ensemble 500,000 liv. donne un produit de 300,000 liv. de sucre: ces 300,000 liv. à 50 le cent donnent..................... 150,000 l.
Les dépenses....................... 40,000 ---------
Reduisent le produit à............. 110,000 l. ---------
Si les 250 Nègres s'affranchissent, ils paieront les 3/4 de leur valeur..................................... 375,000 Nous avons évalué l'habitation........................... 1,400,000 ----------
Le capital est réduit à.................................. 1,025,000 l. ----------
Dans ce nouvel état de culture, le produit sera au moins doublé et porté à........... 300,000 l. La moitié du ma?tre sera de......... 150,000 l. La dépense réduite à................. 15,000 --------- Le revenu sera de................... 135,000 l. ---------
Ou plus de 13 pour cent, tandis qu'il n'étoit que de 8 pour cent à peu près. Les serfs de glèbe, au lieu du produit de leurs jardins et de 25000 liv. pour leur entretien, auront également le produit de leurs jardins, dont ils pourront disposer, et un revenu de 500 l. par tête.
Depuis que j'ai écrit ces feuilles, j'ai lu, dans le courrier de l'Europe, vol. 23, n°. 25, un mémoire, présenté en 1779 et en 1785 par M. le chevalier de Laborie, lieutenant-colonel d'infanterie, sur les moyens de donner la liberté aux esclaves en Amérique. Les mêmes principes nous ont guidés; mais les moyens d'affranchissement, que j'avois proposés en 1776 au gouvernement, et que je publie aujourd'hui, sont différents. M. de Laborie parle d'une sucrerie qu'il vouloit établir à la Tortue. Il étoit convenu, dit-il, qu'un habitant se chargeroit des frais d'établissement, en payant seulement aux cultivateurs la moitié du prix du sucre; et il avoit calculé que chaque cultivateur aurait, au delà de ses dépenses, un bénéfice de 5 à 600 livres.
[22] Il est impossible de suivre tous les égarements de l'intérêt particulier. Personne n'a répondu avec plus de sentiment aux défenseurs de l'esclavage que M. l'abbé Raynal. Voyer l'histoire phil. et pol. des établissements des Européens dans les deux Indes, liv. XI, parag. XXIV.

POSTSCRIPTUM
J'avois lu ce discours à l'Académie, et je le livrois à l'impression, lorsque j'ai re?u les _réflexions sur l'esclavage des Nègres, par M. Schwartz_, qui viennent d'être publiées. Si je n'avois voulu que prouver l'injustice de cet esclavage, j'aurois supprimé mon travail. On ne peut rien ajouter à la clarté et à l'évidence des principes que l'auteur a rappellés. On ne peut pas plaider
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