De lorigine des espèces | Page 4

Charles Darwin
subissent. Il a appuyé sur cette même opinion dans sa cinquante-cinquième conférence, publiée en 1834 dans the Lancet.
En 1831, M. Patrick Matthew a publié un traité intitulé Naval Timber and Arboriculture, dans lequel il émet exactement la même opinion que celle que M. Wallace et moi avons exposée dans le Linnean Journal, et que je développe dans le présent ouvrage. Malheureusement, M. Matthew avait énoncé ses opinions très brièvement et par passages disséminés dans un appendice à un ouvrage traitant un sujet tout différent; elles passèrent donc inaper?ues jusqu'à ce que M. Matthew lui-même ait attiré l'attention sur elles dans le Gardener's Chronicle (7 avril 1860). Les différences entre nos manières de voir n'ont pas grande importance.
Il semble croire que le monde a été presque dépeuplé à des périodes successives, puis repeuplé de nouveau; il admet, à titre d'alternative, que de nouvelles formes peuvent se produire ?sans l'aide d'aucun moule ou germe antérieur?. Je crois ne pas bien comprendre quelques passages, mais il me semble qu'il accorde beaucoup d'influence à l'action directe des conditions d'existence. Il a toutefois établi clairement toute la puissance du principe de la sélection naturelle.
Dans sa Description physique des ?les Canaries (1836, p.147), le célèbre géologue et naturaliste von Buch exprime nettement l'opinion que les variétés se modifient peu à peu et deviennent des espèces permanentes, qui ne sont plus capables de s'entrecroiser.
Dans la Nouvelle Flore de l'Amérique du Nord (1836, p. 6), Rafinesque s'exprimait comme suit: ?Toutes les espèces ont pu autrefois être des variétés, et beaucoup de variétés deviennent graduellement des espèces en acquérant des caractères permanents et particuliers;? et, un peu plus loin, il ajoute (p. 18): ?les types primitifs ou ancêtres du genre exceptés.?
En 1843-44, dans le Boston Journal of Nat. Hist. U. S. (t.1V, p. 468), le professeur Haldeman a exposé avec talent les arguments pour et contre l'hypothèse du développement et de la modification de l'espèce; il para?t pencher du c?té de la variabilité.
Les Vestiges of Creation ont paru en 1844. Dans la dixième édition, fort améliorée (1853), l'auteur anonyme dit (p. 155): ?La proposition à laquelle on peut s'arrêter après de nombreuses considérations est que les diverses séries d'êtres animés, depuis les plus simples et les plus anciens jusqu'aux plus élevés et aux plus récents, sont, sous la providence de Dieu, le résultat de deux causes: premièrement, d'une impulsion communiquée aux formes de la vie; impulsion qui les pousse en un temps donné, par voie de génération régulière, à travers tous les degrés d'organisation, jusqu'aux Dicotylédonées et aux vertébrés supérieurs; ces degrés sont, d'ailleurs, peu nombreux et généralement marqués par des intervalles dans leur caractère organique, ce qui nous rend si difficile dans la pratique l'appréciation des affinités; secondement, d'une autre impulsion en rapport avec les forces vitales, tendant, dans la série des générations, à approprier, en les modifiant, les conformations organiques aux circonstances extérieures, comme la nourriture, la localité et les influences météoriques; ce sont là les adaptations du théologien naturel.? L'auteur para?t croire que l'organisation progresse par soubresauts, mais que les effets produits par les conditions d'existence sont graduels. Il soutient avec assez de force, en se basant sur des raisons générales, que les espèces ne sont pas des productions immuables. Mais je ne vois pas comment les deux ?impulsions? supposées peuvent expliquer scientifiquement les nombreuses et admirables coadaptations que l'on remarque dans la nature; comment, par exemple, nous pouvons ainsi nous rendre compte de la marche qu'a d? suivre le pic pour s'adapter à ses habitudes particulières. Le style brillant et énergique de ce livre, quoique présentant dans les premières éditions peu de connaissances exactes et une grande absence de prudence scientifique, lui assura aussit?t un grand succès; et, à mon avis, il a rendu service en appelant l'attention sur le sujet, en combattant les préjugés et en préparant les esprits à l'adoption d'idées analogues.
En 1846, le vétéran de la zoologie, M. J. d'Omalius d'Halloy, a publié (Bull. de l'Acad. roy. de Bruxelles, vol. XIII, p.581) un mémoire excellent, bien que court, dans lequel il émet l'opinion qu'il est plus probable que les espèces nouvelles ont été produites par descendance avec modifications plut?t que créées séparément; l'auteur avait déjà exprimé cette opinion en 1831.
Dans son ouvrage Nature of Limbs, p. 86, le professeur Owen écrivait en 1849: ?L'idée archétype s'est manifestée dans la chair sur notre planète, avec des modifications diverses, longtemps avant l'existence des espèces animales qui en sont actuellement l'expression. Mais jusqu'à présent nous ignorons entièrement à quelles lois naturelles ou à quelles causes secondaires la succession régulière et la progression de ces phénomènes organiques ont pu être soumises.? Dans son discours à l'Association britannique, en 1858, il parle (p. 51) de ?l'axiome de la puissance créatrice continue, ou de la destinée préordonnée des choses vivantes.? Plus loin (p. 90), à propos de la
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