deux intérêts opposés: on a considéré comme le chef-d'oeuvre de la science des gouvernements de mesurer assez les deux actions contraires, pour que la puissance aristocratique et celle de la démocratie se balan?assent, comme deux lutteurs qu'une égale force rend immobiles. En effet, le moment le plus prospère dans tous ces gouvernements est celui où cette balance, subsistant d'une manière parfaite, donne le repos qui na?t de deux efforts contenus l'un par l'autre; mais cet état ne peut être durable. à l'instant où, pour suivre la comparaison, l'un des deux lutteurs prend un moment l'avantage, il terrasse l'autre qui se venge en le renversant à son tour. Ainsi l'on a vu la république romaine déchirée, dès qu'une guerre, un homme, ou le temps seul a rompu l'équilibre.--On dira qu'en Angleterre il y a trois intérêts, et que cette combinaison plus savante répond de la tranquillité publique. Il n'y a jamais trois intérêts dans un tel gouvernement; les privilégiés héréditaires et ceux qui ne le sont pas peuvent être revêtus de noms différents; mais la division se fait toujours sur ces deux bases: l'on se sépare et l'on se rallie d'après ces deux grands motifs d'opposition. Ne serait-il pas possible que le genre humain, témoin et victime de ce principe de haine, de ce genre de mort qui a détruit tant d'états, parv?nt à trouver la fin du combat de l'aristocratie et de la démocratie, et qu'au lieu de s'attacher à la combinaison d'une balance qui, par son avantage même, par la part qu'elle accorde à la liberté, finit toujours par être renversée, on examinat si l'idée moderne du système représentatif n'établit pas dans le gouvernement un seul intérêt, un seul principe de vie, en rejetant néanmoins tout ce qui peut conduire à la démocratie pure?
Supposez d'abord un très-petit nombre d'hommes extraits d'une nation immense, une élection combinée, et par deux degrés, et par l'obligation d'avoir passé successivement dans les places qui font conna?tre les hommes, et exigent de l'indépendance de fortune et des droits à l'estime publique pour s'y maintenir. Cette élection, ainsi modifiée, n'établirait-elle pas l'aristocratie des meilleurs, la prééminence des talents, des vertus et des propriétés? ce genre de distinction qui, sans faire deux classes de droit, c'est-à-dire deux ennemis de fait, donne aux plus éclairés la conduite du reste des hommes, et faisant choisir les êtres distingués par la foule de leurs inférieurs, assure au talent sa place, et à la médiocrité sa consolation; donne une part à l'amour-propre du vulgaire dans les succès des gouvernants qu'ils ont choisis; ouvre la carrière à tous, mais n'y amène que le petit nombre? L'avantage de l'aristocratie de naissance, c'est la réunion des circonstances qui rendent plus probables dans une telle classe les sentiments généreux: l'aristocratie de l'élection doit, alors que sa marche est sagement graduée, appeler avec certitude les hommes distingués par la nature aux places éminentes de la société.--Ne serait-il pas possible que la division des pouvoirs donnat tous les avantages et aucun des inconvénients de l'opposition des intérêts; que deux chambres, un directoire exécutif, quoique temporaire, fussent parfaitement distincts dans leurs fonctions; que chacun pr?t un parti différent par sa place, mais non par esprit de corps; ce qui est d'une tout autre nature? Ces hommes, séparés pendant le cours de leurs magistratures, par les exercices divers du pouvoir public, se réuniraient ensuite dans la nation, parce qu'aucun intérêt contraire ne les séparerait d'une manière invincible. Ne serait-il pas possible qu'un grand pays, loin d'être un obstacle à un tel état de choses, f?t particulièrement propre à sa stabilité? parce qu'une conspiration, un homme, peuvent s'emparer tout à coup de la citadelle d'un petit état, et par cela seul changer la forme de son gouvernement, tandis qu'il n'y a qu'une opinion qui remue à la fois trente millions d'hommes; que tout ce qui n'est produit que par des individus, ou par une faction qui n'est point ralliée au mouvement publie, est étouffé par la masse qui se porte sur chaque point. Il ne peut pas y avoir d'usurpation dans un pays où il faudrait que le même homme ralliat l'opinion à lui, depuis le Rhin jusqu'aux Pyrénées; l'idée d'une constitution, d'un ordre légal consenti par tous, peut seule réunir et frapper à distance. Le gouvernement, dans un grand pays, a pour appui la masse énorme des hommes paisibles; cette masse est beaucoup plus considérable à proportion même, dans une grande nation, que dans un petit pays. Les gouvernants, dans un petit pays, sont beaucoup plus multipliés par rapport aux gouvernés, et la part de chacun à une action quelconque est plus grande et plus facile. Enfin si l'on répétait d'une manière vague qu'on n'a jamais vu une constitution fondée sur de telles bases, qu'il vaut mieux adopter celles qui ont existé pendant des siècles, on pourrait demander
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