De limportance des livres de raison | Page 6

Louis Guibert
leur ameublement et les oeuvres d'art qui les
décorent. Nous avons déjà signalé, dans le manuscrit de Veilbans,
quelques indications sur l'état de la maison commune de Brive; il en
offre également sur celui des fortifications de la ville: murs, portes et
fossés, à la fin du XVIe siècle. Martial Robert (1677-1702) parle des
bâtiments de l'hôpital d'Aixe; Gondinet (1613-1630) de la réparation
d'une chapelle à Saint-Yrieix; le livre des Baluze, de Tulle, renferme
divers renseignements sur les églises de Saint-Pierre et de Saint-Julien.
Étienne Benoist décrit, dans la première moitié du XVe siècle, la
chapelle que sa famille possède dans l'église Saint-Pierre-du-Queyroix,
à Limoges; il mentionne la voûte, les vitraux, la clôture, l'armoire où
sont déposés les vases sacrés, la garniture de l'autel, les courtines et les
bancs. En signalant la chute de la foudre, les auteurs de nos registres
rappellent les dommages qu'elle cause aux édifices, aux églises
notamment. C'est ainsi que nous apprenons, par Esperon, les dégâts
causés, le 3 octobre 1405, par le tonnerre, au clocher de la belle église

de Saint-Junien.
Ce qui abonde, dans les manuscrits dont nous poursuivons l'étude, ce
sont les dates, les dates précises de tout ce qui se passe non seulement
au foyer, mais dans la paroisse, dans la ville: il ne se fait pas une
procession, il ne se fond pas une cloche, il ne se plante pas une croix, il
ne se commence aucun édifice, il ne se fonde pas une communauté
religieuse sans que le père de famille note le fait à son papier
domestique, où archéologues et historiens sont bien heureux de le
relever aujourd'hui. Que ne possédons-nous les livres de raison tenus
par les contemporains de la construction de nos plus belles églises!
Combien de choses nous y apprendrions que nous ne saurons jamais!
Grâce aux mentions de ces manuscrits, nous suivons partout le père de
famille et les diverses personnes de la maison. Ils nous conduisent aux
baptêmes, aux mariages, aux enterrements. Nous allons avec eux en
pèlerinage. Avec eux nous voyageons. Étienne Benoist, Martial de Gay,
Élie de Roffignac, Pierre Ruben, les Péconnet, James et Pierre
Treilhard et bien d'autres nous font parcourir le pays et les provinces
voisines. Nous allons avec plusieurs d'entr'eux jusqu'à Poitiers, à
Bordeaux et à Paris. Le consul Vielbans est sans cesse en route pour
défendre les intérêts de la ville ou de son présidial: son registre nous
transporte tantôt à Paris, tantôt à la cour du roi de Navarre, à Nérac, à
Sainte-Foy ou à Montauban. Pierre de Sainte-Feyre (1497-1533) nous
mène plus loin encore: jusqu'en Italie, où il se rend à la suite du duc de
Nemours. Nous laissons à penser combien de notes précieuses nous
valent toutes ces pérégrinations!
Pierre Donmailh, notaire à Gros-Chastang (1597-1632), Pierre Ruben,
bourgeois d'Eymoutiers, avocat du Roi en l'Élection de Bourganeuf
(1648-1661), Jean Péconnet (1644-1678), Joseph Péconnet
(1679-1700), nous initient à la vie et au régime des écoliers d'autrefois.
Nous les voyons envoyer leurs enfants dans les villes qui possèdent un
collège et les y placer dans d'honnêtes familles, où, pour une modique
somme, et avec un supplément de provisions expédiées, en même
temps que le linge et les vêtements, par la mère, le vivre et le couvert
leur sont assurés. Dès le commencement du XVe siècle, le juge

Esperon nous a appris qu'il recevait en pension des enfants envoyés par
leurs parents à Saint-Junien pour y fréquenter les écoles.
Nos livres de raison limousins ne nous fournissent que des
renseignements bien clairsemés sur l'atelier domestique, l'apprentissage,
la vie professionnelle des artisans et l'industrie elle-même. On y
rencontre pourtant sur ce point quelques notes d'un réel intérêt: celles
par exemple que donne sur ses voyages et ses travaux Antoine Collas,
tapissier de Felletin, dans son carnet (1758 à 1781) et les
renseignements que contient le registre des Massiot, sur l'établissement,
à Saint-Léonard, de poëliers normands, dès 1480.—-Par contre, les
manuscrits dont nous nous occupons ici sont riches en informations de
toute espèce sur le travail agricole, les modes de culture, les produits du
sol, leur valeur, les conventions entre le maître d'une part, et le
domestique, le fermier ou le colon partiaire de l'autre. A cet égard, les
indications sont aussi précises que nombreuses et variées. Avec Isaac et
Alexis Chorllon, de Guéret (1628-1709), nous assistons à la
transformation complète d'une propriété. Les registres des Roquet, de
Beaulieu (1478-1525) et des Massiot, de Saint-Léonard, nous montrent
le métayage, qui reste encore de nos jours le mode de culture le plus
répandu de beaucoup en Limousin, établi au XVe siècle dans la contrée,
avec ses usages actuels; nous pouvons nous rendre compte d'une façon
plus précise encore des conditions et des effets du contrat entre le
propriétaire et le colon partiaire, en étudiant les divers livres des
Péconnet. Celui de Pierre Ruben, d'Eymoutiers,
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