Curiosites Infernales | Page 9

P. L. Jacob
m'emporte le jour des nopces. Qu'avient-il? Au bout de quelque temps l'inconstante est fiancee a un autre, sans plus se soucier de celui-ci, qui l'admonneste doucement plus d'une fois de sa promesse, et de son horrible imprecation. Elle hochant la teste a telles admonitions s'appreste pour les espousailles avec le second: mais le jour des nopces, les parens, allies et amis faisans bonne chere, l'espousee esveillee par sa conscience se monstroit plus triste que de coustume. Sur ce voici arriver en la cour du logis ou se faisoit le festin, deux hommes de cheval, qu'on ameine en haut, ou ils se mettent a table, et apres disne, comme l'on commencoit a danser, on pria l'un d'iceux (comme c'est la coustume du pays d'honorer les estrangers qui se rencontrent en tels festins) de mener danser l'espousee. Il l'empoigne par la main et la pourmeine par la salle: puis en presence des parens et amis, il la saisit criant a haute voix, sort de la porte de la salle, l'enleve en l'air, et disparoit avec son compagnon et leurs chevaux. Les pauvres parens et amis l'ayans cherchee tout ce jour, comme il continuoyent le lendemain, esperans la trouver tombee quelque part, afin d'enterrer le corps, rencontrent les deux chevaliers, qui leur rendirent les habits nuptiaux avec les bagues et joyaux de la fille, adjoutans que Dieu leur avoit donne puissance sur ceste fille et non sur les acoustremens d'icelle, puis s'esvanouirent."
Goulard repete aussi cette attaque du diable rapportee par Alexandre d'Alexandrie[1]:
[Note 1: Au IIe livre de ses Jours geniaux.]
"Un mien ami, homme de grand esprit, et digne de foy estant un jour a Naples chez un sien parent, entendit de nuit la voix d'un homme criant a l'aide, qui fut cause qu'il aluma la chandelle, et y courut pour voir que c'estoit. Estant sur le lieu, il vid un horrible fantosme, d'un port effroyable et du tout furieux, lequel vouloit a toute force entrainer un jeune homme. Le pauvre miserable crioit et se defendoit, mais voyant aprocher celui-ci soudain il courut au devant, l'empoigne par la main et saisit sa robe le plus estroitement qu'il lui fut possible et apres s'estre long temps debattu commence a invoquer le nom et l'aide de Dieu et eschappe, le fantosme disparoissant. Mon ami meine en son logis ce jeune homme, pretendant s'en desfaire doucement, et le renvoyer chez soy. Mais il ne sceut obtenir ce poinct, car le jeune homme estoit tellement estonne qu'on ne pouvoit le rassurer, tressaillant sans cesse de la peur qu'il avoit pour si hideuse rencontre. Ayant enfin reprins ses esprits, il confessa d'avoir mene jusques alors une fort mechante vie, este contempteur de Dieu, rebelle a pere et a mere, ausquels il avoit dit et fait tant d'injures et outrages insupportables qu'ils l'avoyent maudit. Sur ce il estoit sorti de la maison et avoit rencontre le bourreau susmentionne."
Goulart[1] raconte encore d'autres histoires d'enlevements par le diable d'apres divers auteurs:
[Note 1: _Thresor d'histoires admirables_, t. I, p. 538.]
"Un docteur de l'academie de Heidelberg ayant donne conge a certain sien serviteur de faire un voyage en son pays, au retour comme ce serviteur aprochoit de Heidelberg, il rencontre un reitre monte sur un grand cheval, lequel par force l'enleve en croupe, en tel estat il essaye d'empoigner son homme pour se tenir plus ferme; mais le reitre s'esvanouit. Le serviteur emporte par le cheval bien haut en l'air, fut jette bas pres d'un pont hors la ville, ou il demeura quelques heures sans remuer pied ni main: enfin revenu a soi, et entendant qu'il estoit pres de son lieu, reprint courage, se rendit au logis, ou il fut six mois entiers attache au lict, devant que pouvoir se remettre en pied[1]."
[Note 1: Extrait du Mirabiles Historiae de spectris, Leipzig, 1597.]
"Pres de Torge en Saxe, certain gentilhomme se promenant dans la campagne, rencontre un homme lequel le salue, et lui offre son service. Il le fait son palefrenier. Le maistre ne valoit gueres. Le valet estoit la meschancete mesme. Un jour le maistre ayant a faire quelque promenade un peu loin, il recommande ses chevaux, specialement un de grand prix a ce valet, lequel fut si habile que d'enlever ce cheval en une fort haute tour. Comme le maistre retournoit, son cheval qui avoit la teste a la fenestre le reconnut, et commence a hennir. Le maistre estonne, demande qui avoit loge son cheval en si haute escuirie. Ce bon valet respond que c'estoit en intention de le mettre seurement afin qu'il ne se perdist pas, et qu'il avoit soigneusement execute le commandement de son maistre. On eut beaucoup de peine a garrotter la pauvre beste et la devaler avec des chables du haut de la tour en bas. Tost apres quelques uns que ce gentilhomme avoit volez, deliberans de le poursuivre en
Continue reading on your phone by scaning this QR Code

 / 118
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.