Corysandre | Page 2

Hector Malot
jouant, les anglais comme les arabes, et Savine n'avait pas tard�� �� para?tre. Comme Rapha?lle menac��e d'une angine disait qu'elle ��tait d��sol��e de ne pas pouvoir faire atteler ses chevaux ce jour m��me et de sortir, il s'��tait fach��. C'��tait justement l'ouverture de la r��union de printemps �� Longchamp, et il voulait que ses chevaux fussent vus de tout Paris �� cette r��union �� l'aller et au retour; il ne les avait fait venir de son haras et ne les avait donn��s que pour cela. ?Si vous ne pouvez pas vous en servir, avait-il dit, je les garde pour moi, je m'en sers aujourd'hui, et, une fois qu'ils seront entr��s dans mes ��curies, ils n'en sortiront pas. En vous enveloppant bien, vous n'aurez pas trop froid: il ne faut pas s'exag��rer son mal ou l'on se priverait de tout.? Au risque d'en mourir, car il soufflait un vent glacial, Rapha?lle avait ��t�� aux courses, et �� l'aller comme au retour ses trotteurs �� la robe grise avaient provoqu�� l'admiration des hommes et l'envie des femmes.
Il fallait continuer, car, de son c?t��, Otchakoff continuait de jouer, perdant toutes les nuits ou gagnant des coups de trois ou quatre cent mille francs, tant?t contre celui-ci, tant?t contre celui-l��, sans jamais lasser l'admiration de la galerie, qui r��p��tait toujours son m��me mot: ?Cet Otchakoff, quel estomac!? ce �� quoi Savine r��pondait toutes les fois qu'il pouvait r��pondre, en haussant les ��paules et en disant que si Otchakoff, avait de l'estomac devant un tapis vert, il n'en avait pas devant une nappe blanche, le pauvre diable ��tant incapable de boire seulement les quatre ou cinq bouteilles de champagne qui, chez un vrai Russe, remplace l'acte de naissance ou le passeport pour prouver la nationalit��.
Pour continuer la lutte, sinon avec ��conomie, au moins d'une fa?on qui ne f?t pas nuisible �� ses int��r��ts, Savine qui depuis longtemps se contentait des collections qu'il avait recueillies par h��ritage, s'��tait mis �� acheter des oeuvres d'art de toutes sortes: tableaux, bronzes, livres, curiosit��s, n'exigeant d'elles que quelques qualit��s sp��ciales: d'��tre authentiques, d'��tre dans un parfait ��tat de conservation, enfin de co?ter tr��s cher, de telle sorte que lorsqu'il voudrait les revendre,--ce qu'il esp��rait bien faire un jour, tirant ainsi d'elles deux r��clames, l'achat et la vente,--il p?t le faire avec b��n��fice, sans autre perte que celle des int��r��ts.
Alors, chaque fois qu'il avait fait une acquisition de ce genre, les journaux l'avaient annonc��e et c��l��br��e: le prince Savine, quel M��c��ne! Il est vrai que ce M��c��ne ne r��pandait ses bienfaits que sur des artistes morts depuis longtemps: Hobbema, Velasquez, Paul Veron��se et autres qui ne lui savaient aucun gr�� de ses largesses.
Mais un seul coup de baccara faisait oublier M��c��ne, et Otchakoff, en une nuit heureuse ou malheureuse, s'imposait �� la curiosit�� publique d'une fa?on autrement vivante et palpitante en perdant son argent que s'il l'avait d��pens�� �� acheter des Rubens ou des Titien.
Ce fut alors que Savine exasp��r�� et perdant la t��te, se d��cida �� lutter contre son rival en employant les m��mes armes que celui-ci, c'est-��-dire �� coups de millions.
Otchakoff, ne trouvant plus �� jouer des grosses parties �� Paris pendant la saison d'��t��, ��tait venu �� Bade jouer contre la banque, et Savine l'avait suivi, se disant qu'un homme habile et prudent qui joue contre une banque de jeu ne doit perdre que dans une certaine mesure qui peut se calculer math��matiquement, et m��me qu'il peut gagner.
Le tout ��tait donc d'��tre cet homme habile et prudent.
Heureusement, les professeurs de syst��mes tous plus infaillibles les uns que les autres ne manquent pas pour ceux qui veulent jouer �� coup s?r; il y en a �� Paris, et �� cette ��poque il y en avait dans toutes les villes d'eaux o�� l'on jouait: �� Bade, �� Hombourg, �� �� Wiesbaden, �� Ems, �� Spa, o�� ils tenaient boutiques de renseignements et de le?ons.
Dans un de ses s��jours �� Bade, Savine avait rencontr�� un de ces professeurs: un vieux gentilhomme fran?ais de grand nom et de belle mine qui, apr��s avoir perdu plusieurs fortunes au jeu, offrait aux jeunes gens qui voulaient bien l'��couter ?une rectitude de combinaisons inexorables? pour faire sauter la banque; mais alors, ne pensant pas �� jouer, il s'en ��tait d��barrass�� en lui faisant l'aum?ne de quelques florins que le vieux professeur allait perdre avec une ?rectitude inexorable? ou qu'il employait �� faire ins��rer dans les journaux des annonces pour tacher de trouver des actionnaires qui lui permissent d'essayer en grand son syst��me.
Arriv�� �� Bade il avait cherch�� son homme aux ?combinaisons inexorables?, ce qui n'��tait pas difficile, car on ��tait s?r de le trouver �� la _Conversation_, assis sur une chaise devant la table de trente-et-quarante, suivant le jeu auquel il ne pouvait pas prendre part et notant les coups sur un carton qu'il
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