Correspondance, 1812-1876 - Tome 5 | Page 9

George Sand

pièce nouvelle qu'autant que vous la jouerez, et il faut que je sois fixée pour y travailler
bientôt exclusivement. J'attends donc votre réponse pour cela, et pour dire à M. de la
Rounat de traiter de votre rachat avec M. Harmant pour l'automne prochain.
A vous de coeur, mon cher enfant, et toutes les amitiés des miens.
[1] Directeur des théâtres du Vaudeville et de la Gaieté. [2] Tirée du roman de _l'Homme
de neige_, par Maurice Sand; non-représentée.

DLVI
A MADEMOISELLE NANCY FLEURY, A PARIS
Nohant, 8 mai 1864.
Chère amie,
Je ne savais pas que cette petite feignante de Lina ne vous avait pas répondu. Elle ne s'en
est pas vantée. Elle est si absorbée par son poupon, et elle s'en occupe si gentiment et si
bien, qu'il faut lui pardonner tout.
Ne soyez pas inquiets de nous: nous nous portons tous bien, et nos petites incertitudes ont
cessé. Les chers enfants ne veulent pas gouverner Nohant; ils ont un peu tort dans leur
intérêt, ils y mettraient sans doute plus d'économie que moi. Mais ils y portent je ne sais
quels scrupules qui sont bons et tendres. Je mets donc Nohant sur le pied _d'absence_,
avec la facilité d'y revenir à tout moment et d'y retrouver Sylvain, régisseur de la réserve;
Marie, gouvernante de la maison, et le jardin en bonnes mains. Cela fait, je vole à
Palaiseau; car, si Villemer me donne de quoi payer mon arriéré, ce n'est pas une raison
pour que j'en recommence un nouveau l'année prochaine, et que je ne puisse jamais me
reposer.
Mais, en ce moment, j'achète mon prochain repos par un surcroît de travail. Il faut que je
fasse à Buloz, au grand galop, un long roman; et, comme ledit Buloz a été très bien pour
moi, je dois le contenter, morte ou vive. Voilà pourquoi je ne trouve pas une heure pour
écrire à mes amis. Je me porte bien à présent. Je me suis envolée toute seule quelques
jours à Gargilesse, où j'ai travaillé la nuit, mais où j'ai couru le jour. C'est un paradis en
cette saison. Mes enfants sont encore un peu aux arrêts forcés à cause de M. Marc[1];
mais le voilà qui a des dents et qui mange de la viande. Il ne tardera pas à être sevré;
après quoi, ses parents doivent le conduire dans le Midi et à Paris, où ils ont envie de
faire aussi une petite installation. Moi, je crois qu'ils seraient mieux à Nohant. Nous
verrons. Le petit est charmant, gai comme un pinson et pas du tout grognon.
Au revoir et à bientôt, mes bons amis; aimez-vous toujours. Je vous embrasse tous bien
tendrement. Lina réparera ses torts en vous écrivant une longue lettre.
G. SAND.
[1] Petit-fils de George Sand.

DLVII
A M. OSCAR CASAMAJOU, A CHATELLERAULT
Nohant, mai 1864.
Ne crois donc pas ces bêtises, mon cher enfant. Ce sont les aimables commentaires de la
Châtre sur un fait bien simple. Je me rapproche de Paris pour un temps plus long que de
coutume, afin de pouvoir faire quelques pièces de théâtre qui, si elles réussissent, même
_moitié moins_ que _Villemer_, me permettront de me reposer dans peu d'années.
Maurice aussi est tenté d'en essayer, et, comme il a bien réussi dans le roman, il peut
réussir là aussi. Mais, pour cela, il ne faut pas habiter Nohant toute l'année, et, si on
s'absente, il ne faut pas y laisser un train de maison qui coûte autant que si l'on y était. En
conséquence, nous nous sommes entendus pour réduire nos dépenses ici et pour avoir un
pied-à-terre plus complet à Paris. Nous n'aimons la ville ni les uns ni les autres; nous
ferons notre pied-à-terre d'une petite campagne à portée d'un chemin de fer. Je compte
aller à Paris le mois prochain, Maurice doit aller voir son père avec Lina et Coco, à cette
époque. Il me rejoindra à Paris, et Nohant, mis sur un pied plus modeste, mais bien

conservé par les soins de Sylvain et de Marie, qui y resteront avec un jardinier, nous
reverra tous ensemble quand nous ne serons pas occupés à Paris. A tout cela nous
trouverons tous de l'économie, et j'aurai, moi, un travail moins continu. Nous vivons
toujours en bonne intelligence, Dieu merci; mais, si les gens de La Châtre n'avaient pas
_incriminé_ selon leur coutume, c'est qu'ils auraient été malades.
Je te remercie, cher enfant, du souci que tu en as pris. Mais sois sûr que, si j'avais quelque
gros chagrin, tu ne l'apprendrais pas par les autres. Ta femme a envoyé à Lina des amours
de robes. Coco a été superbe avec ça, le jour de son baptême, avant-hier. Il est gentil
comme tout. Nous vous embrassons tendrement, mes chers enfants.
Quand tu iras à Paris,
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