Correspondance, 1812-1876 - Tome 5 | Page 5

George Sand
depuis le directeur jusqu'aux ouvreuses, dont l'une m'appelle _notre tr��sor_, les musiciens, les machinistes, la troupe, les allumeurs de quinquets, les pompiers, pleurent �� la r��p��tition comme un tas de veaux et dans l'ivresse d'un succ��s qui va d��passer celui du Champi. Tout ?a, c'est la veille, il faut voir le lendemain; s'il y a d��route, ce sera autre chose. On annonce toujours une cabale. Les uns la disent formidable; les autres disent qu'il n'y aura rien; nous verrons bien. Le moment du calme est venu pour moi qui n'ai plus rien �� faire que d'attendre l'issue. La salle sera comble et il y en aura autant �� la porte. De m��moire d'homme, l'Od��on n'a vu une pareille rage. L'empereur et l'imp��ratrice assisteront �� la premi��re; la princesse Mathilde en face d'eux, le prince et la princesse Napol��on au-dessous. M. de Morny, les minist��res, la police de l'empereur nous prennent trop de place, et ce n'est pas le meilleur de l'affaire. Nous aimerions mieux des artistes aux avant-sc��nes que des diplomates et des fonctionnaires. Ces gens-l�� ne cr��vent pas leurs gants blancs contre une cabale. Il n'y a que le prince qui applaudisse franchement.
Enfin, nous y voil��! les d��cors sont riches et laids. L'orchestre sera rempli de mouchards, rien ne manquera �� la f��te. Marchal ne demande qu'�� ��triper les r��calcitrants. Le parterre est pris par des gens en cravate blanche et en habit noir. A demain des nouvelles.
J'ai vu enfin M. Harmant �� l'Od��on. Il m'a dit qu'il viendrait me voir apr��s la pi��ce. Mario Proth va faire un article sur _Callirho��_[1]. Jourdan en raffole, il est de la religion de Marc Valery.
[1] Roman de Maurice Sand.

DXLVIII
AU M��ME
Paris, mardi 1er mars 1864. Deux heures du matin.
Mes enfants,
Je reviens escort��e par les ��tudiants aux cris de ?Vive George Sand! Vive _Mademoiselle La Quintinie!_ A bas les cl��ricaux!? C'est une manifestation enrag��e en m��me temps qu'un succ��s comme on n'en a jamais vu, dit-on, au th��atre.
Depuis dix heures du matin, les ��tudiants ��taient sur la place de l'Od��on, et, tout le temps de la pi��ce, une masse compacte qui n'avait pu entrer occupait les rues environnantes et la rue Racine jusqu'�� ma porte. Marie a eu une ovation et madame Fromentin aussi, parce qu'on l'a prise pour moi dans la rue. Je crois que tout Paris ��tait l�� ce soir. Les ouvriers et les jeunes gens, furieux d'avoir ��t�� pris pour des cl��ricaux �� l'affaire de Gaetana d'About, ��taient tout pr��ts �� faire le coup de poing. Dans la salle, c'��taient des tr��pignements et des hurlements �� chaque sc��ne, �� chaque instant, en d��pit de la pr��sence de toute la famille imp��riale. Au reste, tous applaudissaient, l'empereur comme les autres, et m��me il a pleur�� ouvertement. La princesse Mathilde est venue au foyer me donner la main. J'��tais dans la loge de l'administration avec le prince, la princesse, Ferri, madame d'Abrant��s. Le prince claquait comme trente claqueurs, se jetait hors de la loge et criait �� tue-t��te, Flaubert ��tait avec nous et pleurait comme une femme. Les acteurs ont tr��s bien jou��, on les a rappel��s �� tous les actes.
Dans le foyer, plus de deux cents personnes que je connais et que je ne connais pas sont venues me biger tant et tant, que je n'en pouvais plus. Pas l'ombre d'une cabale, bien qu'il y e?t grand nombre de gens mal dispos��s. Mais on faisait taire m��me ceux qui se mouchaient innocemment.
Enfin, c'est un ��v��nement qui met le quartier Latin en rumeur depuis ce matin; toute la journ��e, j'ai re?u des ��tudiants qui venaient quatre par quatre, avec leur carte au chapeau, me demander des places et protester contre le parti cl��rical en me donnant leurs noms.
Je ne sais pas si ce sera aussi chaud demain. On dit que oui, et, comme on a refus�� trois ou quatre mille personnes faute de place, il est �� croire que le public sera encore nombreux et ardent. Nous verrons si la cabale se montrera. Ce matin, le prince a re?u plusieurs lettres anonymes o�� on lui disait de prendre garde �� ce qui se passerait �� l'Od��on. Rien ne s'est pass��, sinon qu'on a chut�� les claqueurs de l'empereur �� son entr��e, en criant: _A bas la claque!_ l'empereur a tr��s bien entendu; sa figure est rest��e impassible.
Voil�� tout ce que je peux vous dire ce soir; le silence se fait, la circulation est r��tablie et je vas dormir.

DXLIX
AU M��ME
Paris, 2 mars 1864.
Mes enfants,
La seconde de Villemer a ��t�� ce soir encore plus chaude que celle d'hier. C'est un triomphe inou?, une temp��te d'applaudissements d'un bout �� l'autre, �� chaque mot, et si spontan��e, si g��n��rale, qu'on coupe trois fois chaque tirade. Le groupe des claqueurs quand il essaye de marquer des points de rep��re �� cet enthousiasme ne fait pas plus d'effet
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