Contes pour les petits garçons | Page 5

Johan Christopher Schmid
de nouveau pour satisfaire une fantaisie.

LES MARRONS.
Alfred était cité pour sa gourmandise; dès qu'il avait quelque argent, il l'employait à acheter des gateaux et des sucreries. Il aspirait tout le long du jour au moment de se mettre à table, et après avoir bien bu et bien mangé, il s'effor?ait encore d'attraper quelque chose dans l'office ou dans le buffet.
Un marchand vint proposer à son père de lui vendre des marrons de Lyon; comme on n'en cultivait pas dans le pays, Alfred ne savait ce que c'était; il demanda au marchand si ces fruits bruns étaient bons à manger; celui-ci répondit qu'ils étaient excellents, surtout quand on les mettait cuire sous la cendre chaude. Le père d'Alfred ne tomba pas d'accord avec le marchand et ne lui acheta pas de marrons, mais Alfred eut l'adresse de lui en dérober plusieurs poignées qu'il cacha dans ses poches.
Aussit?t il descend à la cuisine; tandis que la cuisinière est occupée dehors, il met ses marrons sur le foyer, les couvre de cendre rouge, de charbons br?lants, et attend avec impatience le moment de go?ter de ces fruits dont on lui avait vanté la saveur: il écoutait avec plaisir le bruit que les marrons commen?aient à faire, lorsque tout-à-coup l'un d'eux fait explosion et lance au visage du petit gourmand, qui se tenait tout près, les cendres avec les charbons.
Alfred, étourdi, aveuglé, se mit à courir dans la cuisine en poussant des cris, en se cognant contre les meubles et contre les murs. Le père accourt, et quand il s'est assuré que son fils n'est pas blessé, il lui inflige la punition que méritaient et sa gourmandise et son vol.

LE PAIN ET L'EAU.
Désiré, qui avait pour père un riche propriétaire, déjeunait un matin dans une chambre basse donnant sur la rue. La maison de son père ne se ressentait sans doute pas de la disette qui régnait alors et de la cherté des vivres, car la table était chargée de mets de toute espèce.
Le pauvre Guillot, gardeur de moutons dans la montagne, n'avait, lui, à manger que le quart du nécessaire; étant venu ce jour-là à la ville, il vit Désiré à table, s'approcha de la fenêtre et lui demanda un petit morceau de pain:--Va-t'en, répondit celui-ci, je n'ai pas de pain pour toi.
Quelques mois s'écoulèrent, et par une chaude journée d'automne, Désiré était allé à la chasse dans la montagne; il s'égara en poursuivant une pièce de gibier et arriva, après une longue marche, dans un canton tout-à-fait inhabité, où les passages étaient d'un accès fort difficile. Il erra longtemps sous le br?lant soleil du midi, monta, descendit vingt fois, et se fatigua beaucoup; en outre, il était affamé, mourant de soif. Il trouva bien dans sa carnassière un morceau de pain pour satisfaire son appétit; mais quand il eut mangé, sa soif devint plus ardente encore; il n'avait rien pour l'apaiser. Dans ce moment il aurait payé un verre d'eau au poids de l'or.
Enfin il aper?ut, sur une montagne voisine de l'endroit où il était, un homme qui gardait des moutons. Il courut vers lui pour lui demander à boire. O bonheur! en approchant, il vit que le berger avait une grande cruche pleine d'eau; cette boisson lui semblait cent fois plus désirable que les meilleurs vins, et il espérait bien qu'il allait s'en régaler. Mais, hélas! quand il fut tout près il reconnut le pauvre Guillot; il se hasarda cependant à lui demander un verre d'eau.--Allez-vous-en, lui répondit celui-ci, je n'ai pas d'eau pour vous.
Vraiment Désiré offrit-il de payer cette eau vingt sous le verre, puis cent sous, puis vingt francs. Guillot refusa obstinément.
Désiré eut de nouveau recours aux prières, et le berger lui répondit:--Je n'ai l'intention ni de vous refuser mon eau, ni de vous la vendre; mais j'ai voulu vous faire voir combien il est dur d'être repoussé quand on souffre de la faim ou de la soif. Buvez donc tant que vous voudrez, et n'oubliez plus que les besoins des pauvres sont aussi impérieux que les v?tres.
Cette le?on fit apercevoir à Désiré toute la dureté de sa conduite passé; il récompensa magnifiquement Guillot, et depuis se montra charitable envers tous les nécessiteux.

L'HARMONIE
Un jeune homme élevé dans une retraite absolue n'avait jamais entendu de musique. Une maladie dont il fut atteint le rendit complètement sourd; on l'emmena dans une grande ville pour le soigner et faire en sorte de lui rendre l'ou?e.
Pendant qu'on le traitait, son père le mena dans une maison où il y avait un concert. Le sourd rit beaucoup de tous les mouvements, de toutes les grimaces des exécutants. Il demanda ce que faisaient ces gens-là. On lui dit que c'était de la musique; alors il répétait à tout le monde que la musique était la chose la plus folle et la plus ridicule du monde;
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