Contes merveilleux, Tome II | Page 9

Hans Christian Andersen
sa joie; mais les tulipes se tenaient encore plus roides qu'auparavant; leur figure rouge et pointue exprimait leur d��pit. Les pivoines avaient la t��te toute gonfl��e. Quelle chance pour la pauvre paquerette qu'elles ne pussent parler! Elles lui auraient dit bien des choses d��sagr��ables. La petite fleur s'en aper?ut et s'attrista de leur mauvaise humeur.
Quelques moments apr��s, une jeune fille arm��e d'un grand couteau affil�� et brillant entra dans le jardin, s'approcha des tulipes et les coupa l'une apr��s l'autre.
--Quel malheur! dit la petite paquerette en soupirant; voil�� qui est affreux; c'en est fait d'elles.
Et pendant que la jeune fille emportait les tulipes, la paquerette se r��jouissait de n'��tre qu'une pauvre petite fleur dans l'herbe. Appr��ciant la bont�� de Dieu, et pleine de reconnaissance, elle referma ses feuilles au d��clin du jour, s'endormit et r��va toute la nuit au soleil et au petit oiseau.
Le lendemain matin, lorsque la paquerette eut rouvert ses feuilles �� l'air et �� la lumi��re, elle reconnut la voix de l'oiseau, mais son chant ��tait tout triste. La pauvre alouette avait de bonnes raisons pour s'affliger: on l'avait prise et enferm��e dans une cage suspendue �� une crois��e ouverte. Elle chantait le bonheur de la libert��, la beaut�� des champs verdoyants et ses anciens voyages �� travers les airs.
La petite paquerette aurait bien voulu lui venir en aide: mais comment faire? C'��tait chose difficile. La compassion qu'elle ��prouvait pour le pauvre oiseau captif lui fit tout �� fait oublier les beaut��s qui l'entouraient, la douce chaleur du soleil et la blancheur ��clatante de ses propres feuilles.
Bient?t deux petits gar?ons entr��rent dans le jardin; le plus grand portait �� la main un couteau long et affil�� comme celui de la jeune fille qui avait coup�� les tulipes. Ils se dirig��rent vers la paquerette, qui ne pouvait comprendre ce qu'ils voulaient.
--Ici nous pouvons enlever un beau morceau de gazon pour l'alouette, dit l'un des gar?ons, et il commen?a �� tailler un carr�� profond autour de la petite fleur.
--Arrache la fleur! dit l'autre.
�� ces mots, la paquerette trembla d'effroi. ��tre arrach��e, c'��tait perdre la vie; et jamais elle n'avait tant b��ni l'existence qu'en ce moment o�� elle esp��rait entrer avec le gazon dans la cage de l'alouette prisonni��re.
--Non, laissons-la, r��pondit le plus grand; elle est tr��s bien plac��e.
Elle fut donc ��pargn��e et entra dans la cage de l'alouette.
Le pauvre oiseau, se plaignant am��rement de sa captivit��, frappait de ses ailes le fil de fer de la cage. La petite paquerette ne pouvait, malgr�� tout son d��sir, lui faire entendre une parole de consolation.
Ainsi se passa la matin��e.
--Il n'y a plus d'eau ici, s'��cria le prisonnier; tout le monde est sorti sans me laisser une goutte d'eau. Mon gosier est sec et br?lant, j'ai une fi��vre terrible, j'��touffe! H��las! il faut donc que je meure, loin du soleil brillant, loin de la fra?che verdure et de toutes les magnificences de la cr��ation!
Puis il enfon?a son bec dans le gazon humide pour se rafra?chir un peu. Son regard tomba sur la petite paquerette; il lui fit un signe de t��te amical, et dit en l'embrassant:
--Toi aussi, pauvre petite fleur, tu p��riras ici! En ��change du monde que j'avais �� ma disposition, l'on m'a donn�� quelques brins d'herbe et toi seule pour soci��t��. Chaque brin d'herbe doit ��tre pour moi un arbre; chacune de tes feuilles blanches, une fleur odorif��rante. Ah! tu me rappelles tout ce que j'ai perdu!
?Si je pouvais le consoler??, pensait la paquerette, incapable de faire un mouvement. Cependant le parfum qu'elle exhalait devint plus fort qu'�� l'ordinaire; l'oiseau s'en aper?ut, et quoiqu'il langu?t d'une soif d��vorante qui lui faisait arracher tous les brins d'herbe l'un apr��s l'autre, il eut bien garde de toucher �� la fleur.
Le soir arriva; personne n'��tait encore l�� pour apporter une goutte d'eau �� la malheureuse alouette. Alors elle ��tendit ses belles ailes en les secouant convulsivement, et fit entendre une petite chanson m��lancolique. Sa petite t��te s'inclina vers la fleur, et son coeur bris�� de d��sir et de douleur cessa de battre. �� ce triste spectacle, la petite paquerette ne put, comme la veille, refermer ses feuilles pour dormir; malade de tristesse, elle se pencha vers la terre.
Les petits gar?ons ne revinrent que le lendemain. �� la vue de l'oiseau mort, ils vers��rent des larmes et lui creus��rent une fosse. Le corps, enferm�� dans une jolie bo?te rouge, fut enterr�� royalement, et sur la tombe recouverte ils sem��rent des feuilles de roses.

Pauvre oiseau! pendant qu'il vivait et chantait, on l'avait oubli�� dans sa cage et laiss�� mourir de mis��re; apr��s sa mort, on le pleurait et on lui prodiguait des honneurs.
Le gazon et la paquerette furent jet��s dans la poussi��re sur la grande route; personne ne pensa �� celle qui avait si tendrement aim�� le petit oiseau.

La petite fille aux allumettes
Il faisait effroyablement
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