Contes merveilleux, Tome II | Page 4

Hans Christian Andersen
que je suis devenue le personnage que vous voyez.
?Maintenant je vous quitte pour aller �� mes affaires. Au revoir. Voici ma carte. Je demeure du c?t�� du soleil; quand il pleut, vous me trouverez toujours chez moi. Mais je vous pr��viens que je pars demain pour faire mon tour du globe.
L'Ombre s'en fut. Le savant resta absorb�� dans ses r��flexions sur cette ��trange aventure. Des ann��es se pass��rent. Un beau jour l'Ombre reparut.
--Comment allez-vous? dit-elle.
--Pas trop bien, dit le savant. J'��cris de mon mieux sur le Vrai, le Beau et le Bien; mais mes livres n'int��ressent presque personne, et j'ai la faiblesse de m'en affecter. Vous me voyez tout d��sesp��r��.
--Ce n'est gu��re mon cas, dit l'Ombre. Voyez comme j'engraisse et comme j'ai bonne mine. C'est l�� le vrai but de la vie; vous ne savez pas prendre le monde tel qu'il est, et exploiter ses d��fauts. Cela vous ferait du bien de voyager un peu. Justement, je vais repartir pour un autre continent: voulez-vous m'accompagner? je vous d��fraierai de tout; nous aurons un train de grands seigneurs. Mais il y a une condition. Vous savez, je n'ai pas d'ombre, moi: eh bien, vous remplirez cet emploi aupr��s de moi.
--C'est trop fort ce que vous me proposez l��, dit le savant; c'est presque de l'impudence. Comment, je vous ai affranchie, sans rien vous demander, et vous voulez faire de moi votre esclave?
--C'est le cours de ce monde, r��pondit l'Ombre. Il y a des hauts et des bas: les ma?tres deviennent des valets; et quand les valets commandent, ils font les tyrans. Vous ne voulez pas accepter; �� votre aise!
L'Ombre repartit de nouveau.
Le pauvre savant alla de mal en pis; les peines et les chagrins vinrent le harceler. Moins que jamais on faisait attention �� ce qu'il ��crivait sur le Vrai, le Beau et le Bien. Il finit par tomber malade.
--Mais comme vous maigrissez, lui dit-on, vous avez l'air d'une ombre!
Ces mots involontairement cruels firent tressaillir l'infortun�� savant.
--Il vous faut aller aux eaux, lui dit l'Ombre qui revint lui faire une visite. Il n'y a pas d'autre rem��de pour votre sant��. Vous avez dans le temps refus�� l'offre que je vous faisais de vous prendre pour mon ombre. Je vous la r��it��re en raison de nos anciennes relations. C'est moi qui paye les frais de voyage; je suis aussi oblig��e d'aller aux eaux afin de faire pousser ma barbe qui ne veut pas cro?tre suffisamment pour que j'aie l'air de dignit�� qui convient �� ma position. Donc vous serez mon compagnon. Vous ��crirez la relation de nos p��r��grinations. Soyez cette fois raisonnable et ne repoussez pas ma proposition.
Le savant, press�� par la n��cessit��, fit taire sa fiert�� et ils partirent. L'Ombre avait toujours la place d'honneur; selon le soleil, le savant avait �� virer et �� tourner, de fa?on �� bien figurer une ombre. Cela ne le peinait ni ne l'affectait m��me pas; il avait tr��s bon coeur, il ��tait tr��s doux et aimable et il se disait que si cette fantaisie faisait plaisir �� l'Ombre, autant valait la satisfaire. Un jour il lui dit:
--Maintenant que nous voil�� redevenus intimes comme autrefois, ne serait-il pas mieux de nous tutoyer de nouveau?
--Votre proposition est tr��s flatteuse, r��pondit l'Ombre d'un air pinc�� qui convenait �� sa qualit�� de ma?tre; mais comprenez bien ceci que je vais vous dire en toute franchise. Je me sentirais tout boulevers��, si vous veniez me tutoyer de nouveau; cela me rappellerait trop mon ancienne position subalterne. Mais je veux bien, moi, vous tutoyer: de la sorte votre d��sir sera accompli au moins �� moiti��.
Et ainsi fut fait. Le brave savant ne protesta pas.
?Il para?t que c'est le cours du monde?, se dit-il, et il n'y pensa plus.
Ils s'install��rent dans une ville d'eaux o�� il y avait beaucoup d'��trangers de distinction, et entre autres la fille d'un roi, merveilleusement belle; elle ��tait venue pour se faire gu��rir d'une grave maladie: sa vue ��tait trop per?ante; elle voyait les choses trop distinctement et cela lui enlevait toute illusion.
Elle remarqua que le seigneur nouvellement arriv�� n'��tait pas un seigneur ordinaire.
?On pr��tend qu'il est ici, se dit-elle, pour que les eaux fassent cro?tre sa barbe; moi je sais �� quoi m'en tenir sur son infirmit��, c'est qu'il ne projette pas d'ombre.?
Sa curiosit�� ��tait vivement ��veill��e, et �� la promenade elle se fit aussit?t pr��senter le seigneur ��tranger. En sa qualit�� de fille d'un puissant roi, elle n'��tait pas habitu��e �� user de circonlocutions; aussi dit-elle �� br?le-pourpoint:--Je connais votre maladie; vous souffrez de ne pas avoir d'ombre.
--Vos paroles me remplissent de joie, r��pondit l'Ombre, elles me prouvent que Votre Altesse Royale est sur la voie de gu��rison et que votre vue commence �� se troubler et �� vous abuser. Loin de ne pas avoir d'ombre, j'en ai une tout extraordinaire; c'est dans ma
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