Contes humoristiques - Tome I

Alphonse Allais
Contes humoristiques - Tome I

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Title: Contes humoristiques - Tome I
Author: Alphonse Allais
Release Date: April 26, 2006 [EBook #18262]
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
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- TOME I ***

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Alphonse Allais
CONTES HUMORISTIQUES
Tome I

Table des matières
Amours d'escale. Royal Cambouis. L'autographe homicide. Colydor. Phares. Faits-divers
et d'été. Loufoquerie. Postes et télégraphes. Pète-sec. Le Post-scriptum ou Une petite
femme bien obéissante. Le langage des fleurs. Le Pauvre Bougre et le bon génie. Blagues.
Un point d'histoire. Inanité de la logique. Bizarroïde. Le bahut Henri II. Le truc de la
famille. Un cliché d'arrière-saison. Un fait-divers. Arfled. Black Christmas. I Prologue. II
Le rêve d'un nègre. III La belle quarteronne. IV Ce qu'était Mathias. V Le réveillon. VI
Les larmes d'un nègre. VII Mathias continue de pleurer. VIII Apothéose. Suggestion.
Étourderie. Fausse manoeuvre. La bonne fille. La vie drôle. Le mariage manqué. Le

nommé Fabrice. L'inespéré bonne fortune. La valse. Nature morte. Une mort bizarre. La
nuit blanche d'un hussard rouge (monologue pour cadet). Le veau Conte de Noël pour
Sara Salis. Pour en avoir le coeur net Crime russe. Le drame d'hier. Loup de mer.

Amours d'escale
Le capitaine Mac Nee, plus généralement connu dans la marine écossaise sous le nom de
capitaine Steelcock, était ce qu'on appelle un gaillard. Un charmant gaillard, mais un rude
gaillard.
Sa taille se composait de six pieds anglais et de deux pouces de même nationalité, ce qui
équivaut, dans notre cher système métrique, à deux mètres et quelques centimètres.
Fort élégant, impassible comme la statue de Nelson, aimant les femmes jusqu'à l'oubli des
devoirs les plus élémentaires, Steelcock était un des rares hommes de la marine écossaise
portant le monocle avec autant de parti pris. Les hommes du Topsy-Turvy, un joli
trois-mâts dont il était maître après Dieu, prétendaient même qu'il couchait avec.
Personne, d'ailleurs, dans l'équipage du Topsy-Turvy, ne se souvenait avoir vu Steelcock
se mêler de quoi que ce fût qui ressemblât à un commandement ou à une manoeuvre.
Les mains derrière le dos, toujours élégamment vêtu, quelles que fussent les perturbations
météorologiques, il se promenait sur le pont de son navire, avec l'air flâneur et détaché
que prennent les gentlemen d'Édimbourg dans Princes-Street.
Chaque fois que son second, un de ces vieux salés de Dundee pour qui la mer est sans
voile et le ciel sans mystère, lui communiquait le «point», Steelcock s'efforçait de paraître
prodigieusement intéressé, mais on sentait que son esprit était loin et qu'il se fichait bien
des longitudes et latitudes par lesquelles on pouvait se trouver.
Ah! oui, il était loin, l'esprit de Steelcock! Oh! combien loin!
Steelcock pensait aux femmes, aux femmes qu'il venait de quitter, aux femmes qu'il allait
revoir, aux femmes, quoi!
Des fois, il demeurait durant des heures, appuyé sur le bastingage, à contempler la mer.
S'attendait-il à ce que, soudain, émergeât une sirène, ou ne voyait-il dans l'onde que la
cruelle image de la femme? Les flots ne symbolisent-ils pas bien--des poètes l'ont
observé--les changeantes bêtes et les déconcertantes trahisons des femmes? (Attrape, les
dames!).
Dès que la terre de destination était signalée, Steelcock cessait d'être un homme pour
devenir un cyclone d'amour, un cyclone d'aspect tranquille, mais auprès duquel les pires
ouragans ne sont que de bien petites brises.
Aussitôt le navire à quai, Steelcock filait, laissant son vieux forban de second se

débrouiller avec la douane et les ship-brokers, et le voilà qui partait par la ville.
N'allez pas croire au moins que le distingué capitaine se jetait, tel un fauve, sur la
première chair à plaisir venue, comme il s'en trouve trop, hélas! dans les ports de mer.
Oh! que non pas! Steelcock aimait la femme pour la femme mais il l'aimait aussi pour
l'amour, rien ne lui semblant plus délicieux que d'être aimé exclusivement, et pour
soi-même.
Avec lui, du reste, ça ne traînait pas; il aimait tant les femmes qu'il fallait bien que les
femmes l'aimassent.
Les aventures venaient toutes seules à ce grand beau gars. Et puis, le monocle bien porté
jouit encore d'un vif prestige dans les colonies et autres parages analogues.
Un jour pourtant, cette ridicule manie lui passa de vouloir (comme si c'était possible!)
qu'une femme aimât lui tout seul.
C'était à Saint-Pierre (Martinique).
Steelcock avait fait connaissance de la plus délicieuse créole qu'on pût rêver.
Il faudrait arracher des plumes aux anges du bon Dieu et
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