Contes de la Becasse

Guy de Maupassant

Contes de la Becasse, by Guy de Maupassant

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Title: Contes de la Becasse
Author: Guy de Maupassant
Release Date: March 25, 2004 [EBook #11714]
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
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GUY DE MAUPASSANT
CONTES DE LA B��CASSE
SEIZI��ME ��DITION
PARIS
1894

LA B��CASSE
Le vieux baron des Ravots avait ��t�� pendant quarante ans le roi des chasseurs de sa province. Mais, depuis cinq �� six ann��es, une paralysie des jambes le clouait �� son fauteuil, et il ne pouvait plus que tirer des pigeons de la fen��tre de son salon ou du haut de son grand perron.
Le reste du temps il lisait.
C'��tait un homme de commerce aimable chez qui ��tait rest�� beaucoup de l'esprit lettr�� du dernier si��cle. Il adorait les contes, les petits contes polissons, et aussi les histoires vraies arriv��es dans son entourage. D��s qu'un ami entrait chez lui, il demandait:
--Eh bien, quoi de nouveau?
Et il savait interroger �� la fa?on d'un juge d'instruction.
Par les jours de soleil il faisait rouler devant la porte son large fauteuil pareil �� un lit. Un domestique, derri��re son dos, tenait les fusils, les chargeait et les passait �� son ma?tre; un autre valet, cach�� dans un massif, lachait un pigeon de temps en temps, �� des intervalles irr��guliers, pour que le baron ne f?t pas pr��venu et demeurat en ��veil.
Et, du matin au soir, il tirait les oiseaux rapides, se d��solant quand il s'��tait laiss�� surprendre, et riant aux larmes quand la b��te tombait d'aplomb ou faisait quelque culbute inattendue et dr?le. Il se tournait alors vers le gar?on qui chargeait les armes, et il demandait, en suffoquant de gaiet��:
--Y est-il, celui-l��, Joseph! As-tu vu comme il est descendu?
Et Joseph r��pondait invariablement:
--Oh! monsieur le baron ne les manque pas.
A l'automne, au moment des chasses, il invitait, comme �� l'ancien temps, ses amis, et il aimait entendre au loin les d��tonations. Il les comptait, heureux quand elles se pr��cipitaient. Et, le soir, il exigeait de chacun le r��cit fid��le de sa journ��e.
Et on restait trois heures �� table en racontant des coups de fusil.
C'��taient d'��tranges et invraisemblables aventures, o�� se complaisait l'humeur hableuse des chasseurs. Quelques-unes avaient fait date et revenaient r��guli��rement. L'histoire d'un lapin que le petit vicomte de Bourril avait manqu�� dans son vestibule les faisait se tordre chaque ann��e de la m��me fa?on. Toutes les cinq minutes un nouvel orateur pronon?ait:
--J'entends: ?Birr! birr!? et une compagnie magnifique me part �� dix pas. J'ajuste: pif! paf! j'en vois tomber une pluie, une vraie pluie. Il y en avait sept!
Et tous, ��tonn��s, mais r��ciproquement cr��dules, s'extasiaient.
Mais il existait dans la maison une vieille coutume, appel��e le ?conte de la B��casse?.
Au moment du passage de cette reine des gibiers, la m��me c��r��monie recommen?ait �� chaque d?ner.
Comme ils adoraient l'incomparable oiseau, on en mangeait tous les soirs un par convive; mais on avait soin de laisser dans un plat toutes les t��tes.
Alors le baron, officiant comme un ��v��que, se faisait apporter sur une assiette un peu de graisse, oignait avec soin les t��tes pr��cieuses en les tenant par le bout de la mince aiguille qui leur sert le bec. Une chandelle allum��e ��tait pos��e pr��s de lui, et tout le monde se taisait, dans l'anxi��t�� de l'attente.
Puis il saisissait un des cranes ainsi pr��par��s, le fixait sur une ��pingle, piquait l'��pingle sur un bouchon, maintenait le tout en ��quilibre au moyen de petits batons crois��s comme des balanciers, et plantait d��licatement cet appareil sur un goulot de bouteille en mani��re de tourniquet.
Tous les convives comptaient ensemble, d'une voix forte:
--Une,--deux,--trois.
Et le baron, d'un coup de doigt, faisait vivement pivoter ce joujou.
Celui des invit��s que d��signait, en s'arr��tant, le long bec pointu devenait ma?tre de toutes les t��tes, r��gal exquis qui faisait loucher ses voisins.
Il les prenait une �� une et les faisait griller sur la chandelle. La graisse cr��pitait, la peau rissol��e fumait, et l'��lu du hasard croquait le crane suiff�� en le tenant par le nez et en poussant des exclamations de plaisir.
Et chaque fois les d?neurs, levant leurs verres, buvaient �� sa sant��.
Puis, quand il avait achev�� le dernier, il devait, sur l'ordre du baron, conter une histoire pour indemniser les d��sh��rit��s.
Voici quelques-uns de ces r��cits:

CE COCHON DE MORIN
A M. Oudinot.

I
??a, mon ami, dis-je �� Labarbe, tu viens encore de prononcer ces quatre mots, ?ce
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