à un riche seigneur du pays. Ce seigneur fait mettre les chevaux à sa voiture et vient demander à notre homme s'il est bien le docteur universel.
--C'est moi-même, monseigneur.
--En ce cas, venez avec moi pour m'aider à retrouver mon argent.
--Volontiers, dit le docteur; mais Marguerite, ma femme, m'accompagnera.
Le seigneur y consentit, et les emmena tous deux dans sa voiture. Lorsqu'on arriva au chateau, la table était servie, le docteur fut invité à y prendre place.
--Volontiers, répondit-il encore; mais Marguerite, ma femme, y prendra place avec moi.
Et les voilà tous deux attablés.
Au moment où le premier domestique entrait, portant un plat de viande, le paysan poussa sa femme du coude, et lui dit:
--Marguerite, celui-ci est le premier.
Il voulait dire le premier plat; mais le domestique comprit: le premier voleur; et comme il l'était en effet, il prévint en tremblant ses camarades.
--Le docteur sait tout! notre affaire n'est pas bonne; il a dit que j'étais le premier!
Le second domestique ne se décida pas sans peine à entrer à son tour; à peine eut-il franchi la porte avec son plat, que le paysan, poussant de nouveau sa femme:
--Marguerite, voici le second.
Le troisième eut la même alerte, et nos coquins ne savaient plus que devenir. Le quatrième s'avance néanmoins, portant un plat couvert (c'étaient des écrevisses). Le ma?tre de la maison dit au docteur:
--Voilà une occasion de montrer votre science. Devinez ce qu'il y a là-dedans.
Le paysan examine le plat, et, désespérant de se tirer d'affaire:
--Hélas! soupire-t-il, pauvre écrevisse! (On se rappelle que c'était son premier nom.)
A ces mots, le seigneur s'écrie:
--Voyez-vous, il a deviné! Alors il devinera qui a mon argent!
Aussit?t le domestique, éperdu, fait signe au docteur de sortir avec lui. Les quatre fripons lui avouent qu'ils ont dérobé l'argent, mais qu'ils sont prêts à le rendre et à lui donner une forte somme s'il jure de ne les point trahir; puis ils le conduisent à l'endroit où est caché le trésor. Le docteur, satisfait, rentre, et dit:
--Seigneur, je vais maintenant consulter mon livre, afin d'apprendre où est votre argent.
Cependant un cinquième domestique s'était glissé dans la cheminée pour voir jusqu'où irait la science du devin. Celui-ci feuillette en tous sens son abécédaire, et ne pouvant y trouver un certain signe:
--Tu es pourtant là dedans, s'écrie-t-il avec impatience, et, il faudra bien que tu en sortes.
Le valet s'échappe de la cheminée, se croyant découvert, et crie avec épouvante:
--Cet homme sait tout!
Bient?t le docteur montra au seigneur son argent, sans lui dire qui l'avait soustrait; il re?ut de part et d'autre une forte récompense, et fut désormais un homme célèbre.
LA DOUCE BOUILLIE.
Une fille, pauvre mais vertueuse et craignant Dieu, vivait seule avec sa vieille mère. Leur misère était devenue si grande qu'elles se voyaient sur le point de mourir de faim.
Dans cette extrémité, la pauvre fille, toujours confiante en Dieu, sortit de leur misérable cabane, et pénétra dans le bois voisin.
Elle ne tarda pas à rencontrer une vieille femme qui, devinant (c'était une fée) la détresse de la jeune fille, lui donna un petit pot, bien précieux vraiment.
--Tu n'auras qu'à prononcer ces trois mots, dit la vieille: ?petit pot, cuis!? Il se mettra aussit?t à te faire une douce et excellente bouillie de millet; et quand tu auras dit: ?petit pot, arrête-toi!? il s'arrêtera sur-le-champ.
La jeune fille s'empressa d'apporter à sa mère ce pot merveilleux. A partir de ce moment, l'indigence et la faim quittèrent leur humble cabane, et elles purent se régaler de bouillie tout à leur aise.
Il arriva qu'un jour la jeune fille dut aller faire une course hors du village. Pendant son absence la mère eut faim, et se hata de dire:
--Petit pot, cuis.
Petit pot ne se le fit pas répéter, et la vieille eut bient?t mangé tout son so?l; alors, la bonne femme voulut arrêter le zèle producteur du petit pot. Mais par malheur elle ignorait les mots qu'il fallait prononcer pour cela. Ma?tre petit pot continua donc de cuire toujours plus et plus fort, si bien que la bouillie ne tarda pas à déborder du vase, puis à remplir la cuisine, puis à inonder la maison, puis la maison d'à c?té, puis une autre, puis encore une autre, puis enfin toute la rue; et du train dont il y allait, on e?t dit qu'il voulait noyer le monde entier.
Cela devenait d'autant plus effrayant, que personne ne savait comment s'y prendre pour arrêter ce déluge.
Heureusement qu'à la fin, comme il ne restait plus dans tout le village qu'une seule maison qui ne f?t pas devenue la proie de la bouillie, la jeune fille revint et s'écria:
--Petit pot! arrête-toi!
Et aussit?t petit pot s'arrêta.
Les habitants du village, qui désirèrent rentrer dans leurs maisons, n'en durent pas moins avaler beaucoup plus de bouillie qu'ils n'en voulaient.
Ce conte prouve qu'on fait toujours mal ce qu'on ne sait qu'à demi.
LE LOUP ET LE RENARD.
Certain
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