Contes choisis de la famille | Page 2

Les frères Grimm
désire, pensa le ménétrier.
Cependant le loup s'approcha, et lui dit:
--Eh! cher ménétrier, que tu joues bien! ne pourrais-je pas aussi apprendre ton art?
--La chose est facile, répondit le ménétrier; il suffit pour cela que tu fasses exactement

tout ce que je te dirai.
--Oh! cher ménétrier, reprit le loup, je veux t'obéir, comme un écolier obéit à son maître.
Le musicien lui enjoignit de le suivre, et lorsqu'ils eurent fait un bout de chemin, ils
arrivèrent au pied d'un vieux chêne qui était creux et fendu par le milieu.
--Tu vois cet arbre, dit le ménétrier; si tu veux apprendre à jouer du violon, il faut que tu
places tes pattes de devant dans cette fente.
Le loup obéit; mais le musicien ramassa aussitôt une pierre et en frappa avec tant de force
les deux pattes du loup, qu'elles s'enfoncèrent dans la fente, et que le pauvre animal dut
rester prisonnier.
--Attends-moi jusqu'à ce que je revienne, ajouta le ménétrier.
Et il continua sa route.
Il avait à peine marché pendant quelques minutes, qu'il se prit à penser de nouveau:
--Le temps me semble si long dans cette forêt, que je vais tâcher de m'attirer un autre
compagnon.
En conséquence, il prit son violon, et joua un nouvel air. Il n'y avait pas longtemps qu'il
jouait, lorsqu'un renard arriva en tapinois à travers les arbres.
--Ah! voilà un renard, se dit le musicien; ce n'est pas là le compagnon que je désire.
Le renard s'approcha, et lui dit:
--Eh! cher musicien, que tu joues bien! Je voudrais bien apprendre ton art.
--La chose est facile, répondit le musicien; il suffit pour cela que tu fasses exactement
tout ce que je te dirai.
--Oh! cher musicien, reprit le renard, je te promets de t'obéir, comme un écolier obéit à
son maître.
--Suis-moi, dit le ménétrier.
Quand ils eurent marché pendant quelques minutes, ils arrivèrent à un sentier bordé des
deux côtés par de hauts arbustes. En cet endroit, le musicien s'arrêta, saisit d'un côté du
chemin un noisetier qu'il inclina contre terre, mit le pied sur sa cime; puis de l'autre côté,
il en fit de même avec un autre arbrisseau; après quoi, s'adressant au renard:
--Maintenant, camarade, s'il est vrai que tu veuilles apprendre quelque chose, avance ta
patte gauche.
Le renard obéit, et le musicien lui lia la patte à l'arbre de gauche.
--Renard, mon ami, lui dit-il ensuite, avance maintenant ta patte droite.
L'animal ne se le fit pas dire deux fois, et le ménétrier lui lia cette patte à l'arbre de droite.
Cela fait, il lâcha les deux arbustes qui se redressèrent soudain, emportant avec eux dans
l'air le renard qui resta suspendu et se débattit vainement.
--Attends-moi jusqu'à ce que je revienne, dit le musicien.
Et il continua sa route. Il ne tarda pas à penser pour la troisième fois:
--Le temps me semble long dans cette forêt; il faut que je tâche de me procurer un autre
compagnon.
En conséquence, il prit son violon, et les accords qu'il en tira retentirent à travers le bois.
Alors arriva, à bonds légers, un levraut.
--Ah! voilà un levraut, se dit le musicien. Ce n'est pas là le compagnon que je désire.
--Eh! cher musicien, dit le levraut, que tu joues bien! je voudrais bien apprendre ton art.
--La chose est facile, répondit le ménétrier; il suffit pour cela que tu fasses exactement
tout ce que je te dirai.
--Oh! cher musicien, reprit le levraut, je te promets de t'obéir comme un écolier obéit à

son maître.
Ils cheminèrent quelque temps ensemble, puis ils arrivèrent à un endroit moins sombre du
bois où se trouvait un peuplier. Le musicien attacha au cou du levraut une longue corde
qu'il noua au peuplier par l'autre bout.
--Maintenant alerte! ami levraut, fais-moi vingt fois en sautant le tour de l'arbre.
Le levraut obéit; et quand il eut fait vingt fois le tour commandé, la corde était enroulée
vingt fois autour de l'arbre, si bien que le levraut se trouva captif, et il eut beau tirer de
toutes ses forces, il ne réussit qu'à se meurtrir le cou avec la corde.
--Attends-moi jusqu'à ce que je revienne, dit le musicien.
Et il poursuivit sa route.
Cependant à force de tirer, de s'agiter, de mordre la pierre et de travailler en tous sens, le
loup avait fini par rendre la liberté à ses pattes en les retirant de la fente. Plein de colère et
de rage, il se mit à la poursuite du musicien qu'il se promettait de mettre en pièces.
Lorsque le renard l'aperçut qui arrivait au galop, il se prit à gémir et à crier de toutes ses
forces:
--Frère loup, viens à mon secours! le musicien m'a trompé.
Le loup inclina les deux arbustes, rompit les cordes d'un coup
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