oreilles; et, se couvrant alors le visage de ses mains, elle se réfugiait
dans le sein de sa mère, et ne relevait sa tête en hésitant que lorsque
celle-ci lui avait donné l'assurance que la chauve-souris avait disparu,
en s'envolant par la croisée. Il ne se passait pas de jour que la jeune
insensée ne fît quelque scène nouvelle qui donnait aux traits de son
visage un mouvement convulsif, à son regard un vague hébété, à son
maintien une attitude gauche et forcée, et qui, nuisant au
développement de son intelligence et au progrès de son éducation,
causait à madame de Melval un chagrin profond, une douleureuse
inquiétude.
Un jour, entre autres, c'était un beau soir de l'été, au moment où Laure
allait se mettre au lit, elle relève l'oreiller sur lequel elle devait poser sa
tête, et tout-à-coup elle en voit sortir une souris qui grimpe sur son
épaule, passe sur son cou, descend sur ses bras et s'enfuit avec une
frayeur qui n'était rien en comparaison de celle qu'éprouvait Laure. Elle
fait entendre des cris déchirants, et prononce ces mots d'une voix
entrecoupée: «Au secours!... au meurtre!... je suis perdue... je suis
dévisagée... je suis morte!...» A ces cris, accourent tous les gens, et
bientôt la mère de la jeune peureuse, qu'elle trouve appuyée sur le pied
de son lit, la figure enveloppée dans ses draps et son couvre pieds,
suffoquant et respirant à peine. «Eh! quel est donc l'horrible assassin
qui en veut à tes jours?» lui demande madame de Melval en regardant
de tous côtés. «Ah! maman ... ne m'interrogez pas ... cet affreux
animal ... ce monstre épouvantable....--Eh bien! c'est?--Une souris,
maman ... oui, une souris, dont les yeux étaient flamboyants ... sa queue
avait ... une aune de long ... elle a effleuré mon cou, mes oreilles, mes
bras ... ah! c'est fait de moi!» Madame de Melval ne put s'empêcher de
pousser un grand éclat de rire qui fit relever un peu la tête de Laure.
D'abord elle se tâte les oreilles, pour s'assurer que la souris ne lui en a
pas emporté au moins une; puis elle porte en tremblant la main à son
cou, qu'elle s'imaginait être ulcéré par la trace qu'y avait laissée la
souris; enfin elle attache ses regards avides sur ses bras, et ne peut y
découvrir la moindre rougeur, la moindre altération. Elle reconnut alors
son erreur, et ne put s'empêcher de sourire elle-même de sa
pusillanimité. A son étonnement succéda la confusion, et bientôt elle
conçut le dessein de dompter ces frayeurs enfantines et cette faiblesse
d'esprit, qui l'eussent rendue l'objet des railleries les plus amères, tout
en altérant les aimables qualités qu'elle avait reçues de la nature.
Madame de Melval s'occupa, de son côté, à corriger sa fille de ses
frayeurs ridicules, à lui donner cette réflexion si utile sur tout ce qui
nous frappe, cette force de caractère sans laquelle nous nous aveuglons
sur ce qui peut en effet nous être nuisible, et qui nous met au-dessus de
ces craintes puériles.
Un jour que Laure vint, selon son usage, offrir à sa mère le bonjour du
matin, elle aperçut une souris qui courait ça et là dans l'appartement.
Un cri de frayeur lui échappe; mais quelle fut sa surprise de voir cette
souris grimper sur les genoux de madame de Melval, de là monter sur
ses épaules, sur sa tête, et redescendre avec la vivacité de l'éclair, et se
cacher sous sa collerette! Elle avait remarqué que cette souris était
blanche, qu'elle avait des yeux roses, et portait au cou un petit collier
d'argent sur lequel était gravée une inscription. Ce qui surtout confondit
la jeune peureuse, ce fut d'entendre sa mère appeler: «Zizi!... Zizi!...» et
aussitôt la charmante petite bête, sortant de l'endroit où elle s'était
réfugiée, venait se poser sur la main de sa maîtresse, dans l'attitude la
plus familière et en même temps la plus gracieuse, faisait mille
gambades pour gagner un petit morceau de sucre que celle-ci lui
présentait au bout de ses doigts, et que Zizi prenait avec une précaution
tout-à-fait remarquable. Ce ne fut pas seulement à tout cela que la
souris blanche borna son manège accoutumé; Laure, stupéfaite,
attentive, la vit tour à tour, au commandement de sa mère, faire la
morte, se réveiller tout-à-coup, et, se redressant sur ses deux pattes de
derrière, saisir avec celles de devant un joli petit balai, avec lequel elle
nettoyait, de la manière la plus adroite et en même temps la plus
comique, la poussière qui se trouvait sur les vêtements de sa maîtresse.
De là elle remontait sur la tête de celle-ci, passait et repassait comme
un léger zéphir dans les boucles de cheveux formées sur son front; elle
caressait ensuite avec sa queue le dessous du menton de madame de
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