un grand recueillement de la Nature autour d'eux, dans ce magnifique paysage sérénal où leurs ombres grandissent et bleuissent, à mesure que la lune se lève, la lune mélancolique qui roule dans les flots comme une grosse larme brisée.
* * * * *
--Que la vie est douce ici, ma bien-aimée! fait l'amant, rompant soudain le silence.
Et elle lui répondit, comme quelqu'un qui se réveille:
--La mort serait plus douce encore, car elle nous réunirait pour jamais.
Et, leurs regards plongeant l'un dans l'autre, comme si leurs ames s'y mêlaient, ils y mesurèrent l'infini d'une tendresse que rien au monde ne pourrait briser; car l'espoir fou d'immortalité, par delà le trépas, qui nous dévore ne nous vient que de l'amour.
--Oui, reprit-il, tout est beau autour de nous, tout est charmant, mais tout cela pourrait dispara?tre que, si tu me restais, je n'y prendrais même pas garde.
Elle lui répondit:
--Le ciel n'est pas si grand que tes yeux ni la mer si profonde que ton amour.
Ainsi, comme il arrive dans les tendresses exaltées, s'immatérialisait leur pensée dans un rêve où s'anéantissait l'univers. Ils sentaient bien qu'en dehors l'un de l'autre, rien ne leur était rien ni à l'un ni à l'autre, que tout pouvait s'écrouler autour d'eux, mais non pas rompre l'invisible cha?ne que leurs lèvres tendues dans un baiser suprême allaient fermer.
* * * * *
Jamais la sérénité du ciel n'avait été si grande dans aucune nuit d'été. A peine un frisson sur la mer qui, par places, en allongeait les ondes en un sillon d'argent. Les étoiles y posaient leurs images apaisées, comme des oiseaux lassés dont le vol s'arrête sur un arbre où ne passe pas le vent. Non, jamais, une telle sérénité du firmament n'avait enveloppé toutes choses d'une telle caresse.... Un grondement! puis un choc sous les pas. La mer soulevée et hurlante. Un bouquet de feu montant dans l'air avec un fracas épouvantable et, plus loin, par delà la rive, quelque Vésuve ou quelque Etna s'ouvrant dans une lourde fumée de soufre.... Plus d'?le charmante! Plus d'amants soupirant une idylle dans le calme de ce beau soir! Comme ils l'avaient souhaité, la même flamme avait mêlé leurs esprits pour les emporter au ciel!
Au printemps qui suivit, sur la plage où étaient retombées quelques terres de l'?le dispersée, une fleur nouvelle fleurit, semblant un bouquet de feu qui monta vers la nue comme celui des volcans. C'était le mimosa où respire encore l'ame douce et fidèle de ces amants fortunés!
* * * * *
Et pour finir moins tristement, ma chère, que par cette sombre légende:
Vous connaissez la fleur légère Bordant le flot bleu qui s'endort? On dirait que, sur la fougère, Le soleil tombe en neige d'or.
Comme un panache de fumée Que le couchant teint de safran, Comme une poussière embaumée Que pousse la brise en errant,
Elle monte dans l'air humide Où le flot roule un souffle amer, Et mêle son parfum timide Aux acres senteurs de la mer.
Elle flotte parmi l'espace Où l'oranger tend ses bras lourds; L'aile du papillon qui passe Y met un fragile velours.
Mimosa! presque un nom de fée! Quelque na?ade, assurément, S'en étant autrefois coiffée, Parut plus belle à son amant.
J'aime cette fleur parfumée Au souffle furtif et coquet, Pour ce qu'une main bien aimée Un jour en portait un bouquet.
[Illustration]
[Illustration]
LE BUIS
Le premier vrai dimanche de printemps dans un village de banlieue! Vous devinez si c'était un remue-ménage. A chaque train c'était un flot nouveau de voyageurs bruyants se dispersant sur les chemins, par groupes, s'appelant ou se disant adieu. Paris a une population spéciale d'émigrants hebdomadaires suburbains qui ne rappelle que de fort loin les hautes traditions de la noblesse fran?aise, brave petit monde assurément, mais d'une société plus provinciale que la province elle-même. Quel bavardage insipide monte de ce microcosme! Le bourdonnement des mouches est, à c?té, fort intéressant. Mais quelle providence pour les débitants indigènes qui ne vivent guère que de l'empoisonner une fois par semaine! Il faut voir les gate-sauces se ruer en cuisine dans les arrière-boutiques et les gar?ons des estaminets secouer les chaises du vent emporté par leurs tabliers blancs. Les notables du pays en promenade aussi, avec leurs chiens, ou simplement assis devant leurs portes, regardent avec une joie débonnaire cet élément de prospérité se répandre autour de leurs lares. Ils applaudissent au progrès contemporain, au sage go?t de ce peuple pour les plaisirs faciles, au développement des industries alimentaires; ils se réjouissent d'être nés dans un si beau temps où tout le monde ne songe qu'à s'amuser. Les grands cacato?s de la démocratie locale tr?nent dans cet épanouissement, semblant dire, la main dans le revers de leur redingote: Ce beau temps-là, c'est nous qui l'avons fait! La vérité est qu'il se vend dans le pays, chaque dimanche, beaucoup plus de petits verres et de charcuterie qu'il y
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