Consuelo, Tome 1 | Page 4

George Sand
r��p��tition de ses grandes v��pres en musique, qu'il devait y diriger le dimanche suivant, jour de l'Assomption. Les jeunes choristes qu'il avait si vertement gourmand��es ��taient des enfants de ces scuole, o�� elles ��taient instruites aux frais de l'��tat, pour ��tre par lui dot��es ensuite, soit pour le mariage, soit pour le clo?tre, dit Jean-Jacques Rousseau, qui admira leurs voix magnifiques vers la m��me ��poque, dans cette m��me ��glise. Lecteur, tu ne te rappelles que trop ces d��tails, et un ��pisode charmant racont�� par lui �� ce propos dans le livre VIII des Confessions. Je n'aurai garde de transcrire ici ces adorables pages, apr��s lesquelles tu ne pourrais certainement pas te r��soudre �� reprendre les miennes; et bien autant ferais-je �� ta place, ami lecteur. J'esp��re donc que tu n'as pas en ce moment les Confessions sous la main, et je poursuis mon conte.
Toutes ces jeunes personnes n'��taient pas ��galement pauvres, et il est bien certain que, malgr�� la grande int��grit�� de l'administration, quelques-unes se glissaient l��, pour lesquelles c'��tait plut?t une sp��culation qu'une n��cessit�� de recevoir, aux frais de la R��publique, une ��ducation d'artiste et des moyens d'��tablissement. C'est pourquoi quelques-unes se permettaient d'oublier les saintes lois de l'��galit��; grace auxquelles on les avait laiss��es s'asseoir furtivement sur les m��mes bancs que leurs pauvres soeurs. Toutes aussi ne remplissaient pas les vues aust��res que la R��publique avait sur leur sort futur. Il s'en d��tachait bien quelqu'une de temps en temps, qui, ayant profit�� de l'��ducation gratuite, renon?ait �� la dot pour chercher ailleurs une plus brillante fortune. L'administration, voyant que cela ��tait in��vitable, avait quelquefois admis aux cours de musique les enfants des pauvres artistes dont l'existence nomade ne permettait pas un bien long s��jour �� Venise. De ce nombre ��tait la petite Consuelo, n��e en Espagne, et arriv��e de l�� en Italie en passant par Saint-P��tersbourg, Constantinople, Mexico, ou Arkangel, ou par toute autre route encore plus directe �� l'usage des seuls Boh��miens.
Boh��mienne, elle ne l'��tait pourtant que de profession et par mani��re de dire; car de race, elle n'��tait ni Gitana ni Indoue, non plus qu'Isra��lite en aucune fa?on. Elle ��tait de bon sang espagnol, sans doute mauresque �� l'origine, car elle ��tait passablement brune, et toute sa personne avait une tranquillit�� qui n'annon?ait rien des races vagabondes. Ce n'est point que de ces races-l�� je veuille m��dire. Si j'avais invent�� le personnage de Consuelo, je ne pr��tends point que je ne l'eusse fait sortir d'Isra?l, ou de plus loin encore; mais elle ��tait form��e de la c?te d'Isma?l, tout le r��v��lait, dans son organisation. Je ne l'ai point vue, car je n'ai pas encore cent ans, mais on me l'a affirm��, et je n'y puis contredire. Elle n'avait pas cette p��tulance f��brile interrompue par des acc��s de langueur apathique qui distingue les zingarelle. Elle n'avait pas la curiosit�� insinuante et la mendicit�� tenace d'une ebbrea indigente. Elle ��tait aussi calme que l'eau des lagunes, et en m��me temps aussi active que les gondoles l��g��res qui en sillonnent incessamment la face.
Comme elle grandissait beaucoup, et que sa m��re ��tait fort mis��rable, elle portait toujours ses robes trop courtes d'une ann��e; ce qui donnait �� ses longues jambes de quatorze ans, habitu��es �� se montrer en public, une sorte de grace sauvage et d'allure franche qui faisait plaisir et piti�� �� voir. Si son pied ��tait petit, on ne le pouvait dire, tant il ��tait mal chauss��. Eh revanche; sa taille, prise dans des corps devenus trop ��troits et craqu��s �� toutes les coutures, ��tait svelte et flexible comme un palmier, mais sans forme, sans rondeur, sans aucune s��duction. La pauvre fille n'y songeait gu��re, habitu��e qu'elle ��tait �� s'entendre traiter de guenon, de c��drat, et de moricaude, par les blondes, blanches et repl��tes filles de l'Adriatique. Son visage tout rond, bl��me et insignifiant, n'e?t frapp�� personne, si ses cheveux courts, ��pais et rejet��s derri��re ses oreilles, en m��me temps que son air s��rieux et indiff��rent �� toutes les choses ext��rieures, ne lui eussent donn�� une certaine singularit�� peu agr��able. Les figures qui ne plaisent pas perdent de plus en plus la facult�� de plaire. L'��tre qui les porte, indiff��rent aux autres, le devient �� lui-m��me, et prend une n��gligence de physionomie qui ��loigne de plus en plus les regards. La beaut�� s'observe, s'arrange, se soutient, se contemple, et se pose pour ainsi dire sans cesse dans un miroir imaginaire plac�� devant elle. La laideur s'oublie et se laisse aller. Cependant il en est de deux sortes: l'une qui souffre et proteste sans cesse contre la r��probation g��n��rale par une habitude de rage et d'envie: ceci est la vraie, la seule laideur; l'autre, ing��nue, insouciante, qui prend son parti, qui n'��vite et ne provoque aucun jugement, et qui gagne le coeur tout en choquant les yeux: c'��tait la
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