les cables,?Poussent jusques aux cieux des cris épouvantables,?Font retraite en tumulte, et sans considérer?Si leurs rois avec eux peuvent se retirer.?Pour souffrir ce devoir leur frayeur est trop forte:?Le flux les apporta, le reflux les remporte,?Cependant que leurs rois, engagés parmi nous,?Et quelque peu des leurs, tous percés de nos coups,?Disputent vaillamment et vendent bien leur vie.?A se rendre moi-même en vain je les convie:?Le cimeterre au poing ils ne m'écoutent pas;?Mais voyant à leurs pieds tomber tous leurs soldats,?Et que seuls désormais en vain ils se défendent,?Ils demandent le chef: je me nomme, ils se rendent.?Je vous les envoyai tous deux en même temps;?Et le combat cessa faute de combattants.
JEAN RACINE.
(1639-1699)
Racine, orphelin d'e bonne heure, fut élevé par les solitaires de Port Royal qui lui communiquèrent leur go?t pour l'étude des langues mortes et les oeuvres de l'antiquité. Sa famille et ses amis ne réussirent pas à lui faire abandonner la carrière des lettres que l'Eglise n'approuvait pas.
Connu dès 1660 par une ode, _la Nymphe de la Seine_, composée pour le mariage du roi, Racine fit bient?t représenter _la Théba?de on les Frères ennemis_ (1664), _Alexandre_ (1665), tragédies qui montrent l'influence facheuse de la "préciosité" ambiante, puis vinrent _Andromaque_ (1667), _les Plaideurs_ (comédie), _Britannieus_ (1669), _Bérénice_ (1670), _Bajazet_ (1672), _Mithridate_ (1673), _Iphigénie_ (1674), _Phèdre_ (1677).
Les cabales montées contre Racine par ses rivaux et leurs puissants protecteurs jointes aux reproches de ses anciens ma?tres qui lui reprochaient de s'être engagé dans une voie de perdition, détournèrent Racine de la scène. Il n'y revint qu'en 1689, quand il écrivit sur la demande de Madame de Maintenon deux tragédies religieuses, _Esther_ et _Athalis_ pour les jeunes filles du pensionnat de St-Cyr.
La tragédie de Racine se distingue de celle de Corneille par la simplicité du ton et de l'intrigue; c'est une tragédie de passions et d'impulsions plut?t que d'actions raisonnées, et ses personnages, moins héro?ques, sont beaucoup plus humains. Après Racine la tragédie classique ne sut pas se maintenir à la hauteur où il l'avait placée.
IPHIGENIE.
(Réponse à Agamemnon--Acte IV, scène IV.)
(L'oracle Calchas a annoncé à Agamemnon que les dieux veulent le sang d'une jeune princesse de sa famille; à ce prix, ils accorderont les vents favorables pour transporter l'armée des Grecs devant Troie qu'ils veulent assiéger. Agamemnon a fait venir sa fille Iphigénie sous prétexte de la marier à Achille, mais le stratagème a été découvert à Iphigénie, qui se soumet volontairement au désir de son père.)
Mon Père,?Cessez de vous troubler, vous n'êtes point trahi.?Quand vous commanderez, vous serez obéi.?Ma vie est votre bien. Vous voulez le reprendre:?Vos ordres sans détour pouvaient se faire entendre.?D'un oeil aussi content, d'un coeur aussi soumis?Que j'acceptais l'époux que vous m'aviez promis,?Je saurai, s'il le faut, victime obéissante,?Tendre au fer de Calchas une tête innocente,?Et respectant le coup par vous-même ordonné,?Vous rendre tout le sang que vous m'avez donné.
Si pourtant ce respect, si cette obéissance?Para?t digne à vos yeux d'une autre récompense,?Si d'une mère en pleurs vous plaignez les ennuis,?J'ose vous dire ici qu'en l'état où je suis?Peut-être assez d'honneurs environnaient ma vie?Pour ne pas souhaiter qu'elle me f?t ravie,?Ni qu'en me l'arrachant un sévère destin?Si près de ma naissance en e?t marqué la fin.?Fille d'Agamemnon, c'est moi qui la première,?Seigneur, vous appelai de ce doux nom de père;?C'est moi qui si longtemps le plaisir de vos yeux,?Vous ai fait de ce nom remercier les Dieux,?Et pour qui tant de fois prodiguant vos caresses,?Vous n'avez point du sang dédaigné les faiblesses.?Hélas! avec plaisir je me faisais conter?Tous les noms des pays que vous allez dompter;?Et déjà, d'Illion présageant la conquête,?D'un triomphe si beau je préparais la fête.?Je ne m'attendais pas que pour le commencer,?Mon sang f?t le premier que vous dussiez verser.
Non que la peur du coup dont je suis menacée?Me fasse rappeler votre bonté passée.?Ne craignez rien: mon coeur de votre honneur jaloux,?Ne fera point rougir un père tel que vous;?Et si je n'avais eu que ma vie à défendre,?J'aurais su renfermer un souvenir si tendre,?Mais à mon triste sort, vous le savez, Seigneur,?Une mère, un amant attachaient leur bonheur.?Un roi digne de vous a cru voir la journée?Qui devait éclairer notre illustre hyménée.?Déjà s?r de mon coeur à sa flamme promis,?Il s'estimait heureux: vous me l'aviez permis.?Il sait votre dessein; jugez de ses alarmes.?Ma mère est devant vous et vous voyez ses larmes.?Pardonnez aux efforts que je viens de tenter?Pour prévenir les pleurs que je leur vais co?ter.
NICOLAS BOILEAU.
(1636-1711)
Boileau, dont le père était commis au greffe au Parlement de Paris fit ses humanités et son droit en vue de lui succéder; mais attiré par les lettres, il s'y consacra entièrement dès 1657. Une étroite amitié l'unissait à Racine, à La Fontaine, et à Molière, qu'il retrouvait aux cabarets de la "Pomme de Pin" ou du "Mouton blanc." Il discutait et critiquait les ouvrages de ses
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