révolte pas, parce que je l'aime et le respecte, mais je ne suis pas persuadée, et, quand on est doux et tendre avec moi, j'en suis reconnaissante et heureuse, meilleure par conséquent. Vous verrez! Puisque vous ne voulez vous engager à rien, attendons, vous m'étudierez, et vous verrez bient?t que la méthode de ma pauvre chère maman était la bonne, la seule bonne avec moi.
--Puis-je vous demander?... Mais non, vos beaux yeux se remplissent de larmes et me donnent envie de pleurer avec vous, par conséquent de vous aimer trop et trop vite.
Elle me jeta ses bras autour du cou et pleura avec effusion. Je fus vaincue. Elle ne me disait rien, ne pouvant parler; mais il y avait tant d'abandon et de confiance dans ses pleurs sur mon épaule, elle avait tellement l'air, malgré l'énergie de sa physionomie, d'un pauvre être brisé qui demande protection, que je me mis à l'adorer dès le premier jour sans me demander si elle n'allait pas s'emparer de moi au lieu de subir mon influence.
Cette crainte ne me vint qu'après un certain temps, car, durant les premières semaines, elle fut d'une douceur angélique et d'une amabilité vraiment irrésistible. Il est vrai que je n'exigeais pas beaucoup d'elle; elle avait encore tant de chagrin que sa santé s'en ressentait, et d'ailleurs je la voyais douée d'une telle intelligence que je ne pouvais croire à la nécessité de hater beaucoup ses études.
Nous vivions presque tête à tête dans ce petit palais, devenu trop grand. On avait re?u toutes les visites de condoléance, et, sauf quelques vieux amis, on ne recevait plus personne; M. Dietrich le voulait ainsi. Profondément affecté de la perte de sa femme, il aspirait au printemps, pour se retirer durant toute la belle saison à la campagne, dans une solitude plus profonde encore. Il quittait les affaires, il les e?t quittées plus t?t sans les go?ts dispendieux de sa femme. Il se trouvait assez riche, trop riche, disait-il, il comptait s'adonner à l'agriculture et régir lui-même sa propriété territoriale.
Il eut même l'idée de vendre ou de louer son h?tel, et pour la première fois je vis poindre un désaccord entre lui et sa fille. Elle aimait la campagne autant que Paris, disait-elle, mais elle aimait Paris autant que la campagne, et ne voyait pas sans effroi le parti exclusif que son père voulait prendre. Elle avait dès lors des raisonnements très-serrés qui paraissaient très-justes, et qu'elle exprimait avec une netteté dont je n'eusse pas été capable à son age. M. Dietrich, qui était fier de son intelligence, la laissait et la faisait même discuter pour avoir le plaisir de lui répondre, car il était obstiné, et ne croyait pas que personne put jamais avoir définitivement raison contre lui.
Quand la discussion fut épuisée et qu'il crut avoir répondu victorieusement à sa fille, prenant son silence pour une défaite, il vit qu'elle pleurait. Ces grosses larmes qui tombaient sur les mains de l'enfant sans qu'elle par?t les sentir le troublèrent étrangement, et je vis sur sa belle figure froide un mélange de douleur et d'impatience.
--Pourquoi pleurez-vous donc? lui dit-il après avoir essayé Jurant quelques instans de ne pas para?tre s'apercevoir de ce muet reproche. Voyons! dites-le, je n'aime pas qu'on boude, vous savez que cela me fait mal et me fache.
--Je vous le dirai, mon cher papa, répondit Césarine en allant à lui et en l'embrassant, caresse à laquelle il me parut plus sensible qu'il ne voulait le para?tre; oui, je vous le dirai, puisque vous ne le devinez pas. Ma mère aimait cette maison, elle l'avait choisie, arrangée, ornée elle-même. Vous n'étiez pas toujours d'accord avec elle, vous entendiez le beau autrement qu'elle. Moi je ne m'y connais pas: je ne sais pas si notre luxe est de bon ou de mauvais go?t; mais je revois maman dans tout ce qui est ici, et j'aime ce qu'elle aimait, par la seule raison qu'elle l'aimait. Vous êtes si bon que vous ne vouliez jamais la contrarier, vous lui disiez toujours: Après tout, c'est votre maison.... Eh bien! moi, je me dis:--C'est la maison de maman. Je veux bien aller à la campagne, où elle ne se plaisait pas: je m'y plairai, mon papa, parce que j'y serai avec vous; mais, à l'idée que je ne reviendrai plus ici, où que je verrai des étrangers installés dans la maison de ma mère, je pleure, vous voyez! je pleure malgré moi, je ne peux pas m'en empêcher; il ne faut pas m'en vouloir pour cela.
--Allons, dit M. Dietrich en se levant, on ne vendra pas et on ne louera pas!
Il sortit un peu brusquement en me faisant à la dérobée un signe que je ne compris pas bien, mais auquel je crus donner la meilleure interprétation possible en allant le rejoindre au jardin au bout de
Continue reading on your phone by scaning this QR Code
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the
Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.