fauteuil et p��n��tra dans la salle.
Son oeil fouilla vite toutes les places, les rangs de stalles, les baignoires, les loges, les galeries sup��rieures qui se remplissaient peu �� peu, ��clair��es par la lumi��re contagieuse des lustres. Il ne la retrouva pas, tout d��concert��, inquiet, triste. Quel mauvais hasard se jouait de lui? Hallucinant visage tour �� tour montr�� et d��rob��! Apparitions intermittentes, comme celle de la lune dans les nuages! Il attendit, chercha encore. Des spectateurs attard��s se hataient, gagnant leurs places dans un bruit grin?ant de portes et de banquettes.
Elle seule n'arrivait point.
Il commen?a �� regretter son action irr��fl��chie. D'autant plus qu'on avait remarqu�� sa pr��sence et qu'on s'en ��tonna en une insistance de jumelles qu'il ne fut pas sans apercevoir. Certes, il ne fr��quentait personne, n'avait nou�� de relations avec aucune famille, vivait seul. Mais chacun le connaissait de vue, au moins, savait qui il ��tait et son noble d��sespoir, en cette Bruges peu populeuse, si inoccup��e, o�� tout le monde se conna?t, s'enquiert des nouveaux venus, informe ses voisins et se renseigne aupr��s d'eux.
Ce fut une surprise, presque la fin d'une l��gende, et le triomphe des malins qui avaient toujours souri quand on parlait du veuf inconsolable.
Hugues, par on ne sait quel fluide qui se d��gage d'une foule quand elle s'unifie en une pens��e collective, eut l'impression �� ce moment d'une faute vis-��-vis de lui-m��me, d'une noblesse parjur��e, d'une premi��re f��lure au vase de son culte conjugal par o�� sa douleur, bien entretenue jusqu'ici, s'��goutterait toute.
Cependant l'orchestre venait d'entamer l'ouverture de l'oeuvre qu'on allait repr��senter. Il avait lu sur le programme de son voisin, le titre en gros caract��re: Robert le Diable, un de ces op��ras de vieille mode dont se compose presque infailliblement le spectacle en province. Les violons d��roulaient maintenant les premi��res mesures.
Hugues se sentit plus troubl�� encore. Depuis la mort de sa femme, il n'avait entendu aucune musique. Il avait peur du chant des instruments. M��me un accord��on dans les rues, avec son petit concert asthmatique et acidul��, lui tirait des larmes. Et aussi les orgues, �� Notre-Dame et �� Sainte-Walburge, le dimanche, quand ils semblaient draper par-dessus les fid��les des velours noirs et des catafalques de sons.
La musique de l'op��ra maintenant lui noyait les m��ninges; les archets lui jouaient sur les nerfs. Un picotement lui vint aux yeux. S'il allait pleurer encore? Il songeait �� partir quand une pens��e ��trange lui traversa l'esprit: la femme de tant?t qu'il avait, comme dans un coup de folie et pour le baume de sa ressemblance, suivie jusqu'en cette salle, ne s'y trouvait pas, il en ��tait s?r. Pourtant, elle ��tait entr��e au th��atre, presque sous ses yeux. Mais si elle ne se trouvait pas dans la salle, peut-��tre allait-elle appara?tre sur la sc��ne?
Profanation qui, d'avance, lui d��chirait toute l'ame. Le visage identique, le visage de l'��pouse elle-m��me dans l'��vidence de la rampe et soulign�� de maquillages. Si cette femme, suivie ainsi et disparue brusquement sans doute par quelque porte de service, ��tait une actrice et qu'il allait la voir surgir, gesticulant et chantant? Ah! sa voix? serait-ce aussi la m��me voix, pour continuer la diabolique ressemblance--cette voix de m��tal grave, comme d'argent avec un peu de bronze, qu'il n'avait plus jamais entendue, jamais?
Hugues se sentit tout boulevers��, rien que par la possibilit�� d'un hasard qui pourrait bien aller jusqu'au bout; et, plein d'angoisse, il attendit, avec une sorte de pressentiment qu'il avait soup?onn�� juste.
Les actes s'��coul��rent, sans rien lui apprendre. Il ne la reconnut pas parmi les chanteuses, ni non plus parmi les choristes, fard��es et peintes comme des poup��es de bois. Inattentif, pour le reste, au spectacle, il ��tait d��cid��ment r��solu �� partir apr��s la sc��ne des Nonnes dont le d��cor de cimeti��re le ramenait �� toutes ses pens��es mortuaires. Mais tout �� coup, au r��citatif d'��vocation, quand les ballerines, figurant les Soeurs du clo?tre r��veill��es de la mort, processionnent en longue file, quand Helena s'anime sur son tombeau et, rejetant linceul et froc, ressuscite, Hugues ��prouva une commotion comme un homme sorti d'un r��ve noir qui entre dans une salle de f��te dont la lumi��re vacille aux balances tr��buchantes de ses yeux.
Oui! c'��tait elle! Elle ��tait danseuse! Mais il n'y songea m��me pas une minute. C'��tait vraiment la morte descendue de la pierre de son s��pulcre, c'��tait sa morte qui maintenant souriait l��-bas, s'avan?ait, tendait les bras.
Et plus ressemblante ainsi, ressemblante �� en pleurer, avec ses yeux dont le bistre accentuait le cr��puscule, avec ses cheveux apparents, d'un or unique comme l'autre...
Saisissante apparition, toute fugitive, sur laquelle bient?t le rideau tomba.
Hugues, la t��te en feu, boulevers�� et rayonnant, s'en retourna au long des quais, comme hallucin�� encore par la vision persistante qui ouvrait toujours devant lui, m��me dans la nuit noire, son cadre de lumi��re... Ainsi le docteur Faust, acharn�� apr��s le miroir magique
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