Boule de Suif
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Title: Boule de Suif
Author: Guy de Maupassant
Release Date: January 19, 2004 [EBook #10746]
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
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[Illustration: Boule de Suif]
LIBRAIRIE OLLENDORFF 48, CHAUSSÉE D'ANTIN, 50 PARIS
Collection des Grands Romans
A 1 FRANC
GUY DE MAUPASSANT Yvette. Mademoiselle Fifi. Boule de Suif.
GEORGES OHNET Le Maître de Forges. Serge Panine. La Grande Marnière.
ALBERT DELPIT Le Fils de Coralie.
ANDRÉ THEURIET Sauvageonne.
RENÉ MAIZEROY Petite Reine.
GUSTAVE TOUDOUZE Madame Lambelle.
MARIO UCHARO Mon Oncle Barbassou.
JEAN RAMEAU Plus que de l'Amour.
PIERRE MAEL Un roman de Femme.
JULES CASE La Fille à Blanchard.
RODHA BROUGTHON Comme une Fleur.
MATHILDE SERAO Adieu Amour.
MAURICE MONTÉGUT Un nom sur une Tombe.
MAURICE LEBLANC Une Femme.
Envoi franco contre 1 fr. 25 par volume.
Boule de Suif
OEUVRES COMPLETES ILLUSTRÉES DU GUY DE MAUPASSANT
ÉDITION DE LUXE
(Voir Catalogue à la fin du volume.)
GUY DE MAUPASSANT
BOULE DE SUIF
L'ÉPAVE--DÉCOUVERTE--UN PARRICIDE--LE RENDEZ-VOUS--BOMBARD LE
PAIN MAUDIT--LES SABOTS--LA BUCHE MAGNÉTISME--DIVORCE--UNE
SOIRÉE
PARIS 1907
BOULE DE SUIF
Pendant plusieurs jours de suite des lambeaux d'armée en déroute avaient traversé la ville.
Ce n'était point de la troupe, mais des hordes débandées. Les hommes avaient la barbe
longue et sale, des uniformes en guenilles, et ils avançaient d'une allure molle, sans
drapeau, sans régiment. Tous semblaient accablés, éreintés, incapables d'une pensée ou
d'une résolution, marchant seulement par habitude, et tombant de fatigue sitôt qu'ils
s'arrêtaient. On voyait surtout des mobilisés, gens pacifiques, rentiers tranquilles, pliant
sous le poids du fusil; des petits moblots alertes, faciles à l'épouvante et prompts à
l'enthousiasme, prêts à l'attaque comme à la fuite; puis, au milieu d'eux, quelques culottes
rouges, débris d'une division moulue dans une grande bataille; des artilleurs sombres
alignés avec des fantassins divers; et, parfois, le casque brillant d'un dragon au pied
pesant qui suivait avec peine la marche plus légère des lignards.
Des légions de francs-tireurs aux appellations héroïques: «les Vengeurs de la Défaite--les
Citoyens de la Tombe--les Partageurs de la Mort»--passaient à leur tour, avec des airs de
bandits.
Leurs chefs, anciens commerçants en draps ou en graines, ex-marchands de suif ou de
savon, guerriers de circonstance, nommés officiers pour leurs écus ou la longueur de
leurs moustaches, couverts d'armes, de flanelle et de galons, parlaient d'une voix
retentissante, discutaient plans de campagne, et prétendaient soutenir seuls la France
agonisante sur leurs épaules de fanfarons; mais ils redoutaient parfois leurs propres
soldats, gens de sac et de corde, souvent braves à outrance, pillards et débauchés.
Les Prussiens allaient entrer dans Rouen, disait-on.
La Garde nationale qui, depuis deux mois, faisait des reconnaissances très prudentes dans
les bois voisins, fusillant parfois ses propres sentinelles, et se préparant au combat quand
un petit lapin remuait sous des broussailles, était rentrée dans ses foyers. Ses armes, ses
uniformes, tout son attirail meurtrier, dont elle épouvantait naguère les bornes des routes
nationales à trois lieues à la ronde, avaient subitement disparu.
Les derniers soldats français venaient enfin de traverser la Seine pour gagner
Pont-Audemer par Saint-Sever et Bourg-Achard; et, marchant après tous, le général,
désespéré, ne pouvant rien tenter avec ces loques disparates, éperdu lui-même dans la
grande débâcle d'un peuple habitué à vaincre et désastreusement battu malgré sa bravoure
légendaire, s'en allait à pied, entre deux officiers d'ordonnance.
Puis un calme profond, une attente épouvantée et silencieuse avaient plané sur la cité.
Beaucoup de bourgeois bedonnants, émasculés par le commerce, attendaient
anxieusement les vainqueurs, tremblant qu'on ne considérât comme une arme leurs
broches à rôtir ou leurs grands couteaux de cuisine.
La vie semblait arrêtée; les boutiques étaient closes, la rue muette. Quelquefois un
habitant, intimidé par ce silence, filait rapidement le long des murs.
L'angoisse de l'attente faisait désirer la venue de l'ennemi.
Dans l'après-midi du jour qui suivit le départ des troupes françaises, quelques uhlans,
sortis on ne sait d'où, traversèrent la ville avec célérité. Puis, un peu plus tard, une masse
noire descendit de la côte Sainte-Catherine, tandis que deux autres flots envahisseurs
apparaissaient par les routes de Darnetal et de Boisguillaume. Les avant-gardes des trois
corps, juste au même moment, se joignirent sur la place de l'Hôtel-de-Ville; et par toutes
les rues voisines, l'armée
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