était un asile tout à fait convenable à ces gens qui firent tant de dépense d'écritures et de paroles.
Là, M. Benjamin Constant traduisit Wallenstein en vers détestables. Mais où tourner ce surcro?t d'inquiétudes et de besoin d'activité que la politique absorbe si bien? Il fallut hélas! le décharger sur les choses de la vie intime.
Ne pouvant plus faire d'opposition au gouvernement, il en faisait à sa ma?tresse. Et quelle opposition! M. Benjamin Constant, si malheureux une première fois en ménage, s'était imaginé de songer à une union nouvelle.
Il voulut épouser Mme de Sta?l malgré elle. épouser Corinne, quelle fantaisie! quelle audace! quelle imprudence! combien un tel projet est loin du sens commun!
Après les douleurs qui sont la fin ordinaire de ces unions illégitimes, M. Benjamin Constant chercha des consolations dans un second mariage. Il épousa en 1808 Mme de Hardenberg avec laquelle il a vécu à Goettingue en bonne intelligence, quoique les derniers orages de sa rupture avec Mme de Sta?l ne fussent pas encore terminés.
Pendant ce temps de repos et de convalescence du coeur, M. Benjamin Constant travailla à son grand ouvrage sur la religion. Ce livre, qui l'occupa toute sa vie et que la postérité lira peu, lui fut du moins fort utile de son vivant. Cela lui faisait une occupation quand il était souffrant, lorsqu'il avait éprouvé des revers en amour ou au jeu. M. Benjamin Constant, l'esprit tout plein du sentiment de la vanité des passions, rentrait alors chez lui et disait: ?Travaillons à mon livre sur les religions.?
Cet ouvrage se ressentait lui-même des passions de l'auteur. Versatile, sec et bien inférieur à ce que le génie littéraire moderne a créé en ce genre sous la plume éloquente des Lamennais, des Chateaubriant ou sous la logique des Maistre et des Bonald. C'est un livre du passé, un livre de l'ancien régime mal accommodé au régime nouveau. Ce livre commencé le front haut, avec toute l'impudence philosophique imaginable, a l'air, en finissant, d'un vieux libertin qui cherche à se convertir.
à c?té de ces graves travaux, se succèdent vers la même époque de la vie de M. Benjamin Constant plusieurs oeuvres littéraires; notamment le roman d'Adolphe.
Ce petit roman, remarquable par l'analyse des sentiments, n'est cependant pas, selon nous, digne du succès considérable qu'il a obtenu. Le style en est clair, mais décoloré. L'impression générale qui résulte du livre n'est pas de nature à élever l'esprit ou le coeur. Un sentiment d'aride tristesse est à peu près tout ce qui reste au lecteur à la dernière page de ce livre. Son mérite le plus positif est purement moral. L'auteur déduit avec une expérience visible le danger des unions illégitimes, particulièrement entre personnes d'age disproportionné.
Dans la préface de la troisième édition d'Adolphe, M. Benjamin Constant parle avec un dédain plus apparent que réel de ce livre dont il n'a pas révélé le secret. ?Sans la presque certitude qu'on voulait en faire une contrefa?on en Belgique, dit-il, et que cette contrefa?on, comme la plupart de celles que répandent en Allemagne et qu'introduisent en France les contrefacteurs belges, serait grossie d'additions et d'interpolations auxquelles je n'aurais point eu de part, je ne me serais jamais occupé de cette anecdote, écrite dans l'unique pensée de convaincre deux ou trois amis, réunis à la campagne, de la possibilité de donner une sorte d'intérêt à un roman dont les personnages se réduiraient à deux, et dont la situation serait toujours la même.?
Si tel était l'unique but de l'auteur, il faut avouer que ce but ne valait pas la peine d'écrire.
D'autres personnes prétendent qu'Adolphe est une manière de confession dans laquelle M. Benjamin Constant a versé le secret de ses douleurs et de ses fautes à propos de sa rupture avec Mme de Sta?l.
Ici s'établit une petite controverse entre les biographes et les commentateurs de M. Benjamin Constant. Les uns prétendent que le personnage d'Ellenore n'est autre que Mme de Sta?l. D'autres font observer avec quelque raison que dans cette liaison ce fut Mme de Sta?l et non M. Benjamin Constant qui, par le refus de sa main, provoqua une rupture; ce qui ne serait guère conforme au personnage d'Ellenore.
M. de Loménie va plus loin, il donne le nom de la personne qui servit de modèle au romancier; ce fut, à ce qu'il prétend, une Anglaise, Mme Lindsay, avec laquelle M. Benjamin Constant eut une liaison passagère.
Ce fut à peu près vers la même époque, qu'outre sa traduction de Wallenstein, M. Benjamin Constant écrivit un autre ouvrage en vers intitulé: Florestan ou le sage de Soissons. C'était une satire contre ses ennemis politiques. Les vers de M. Benjamin Constant ne feront pas oublier sa prose.
Nous préférons nous arrêter un instant à un autre ouvrage qu'il publia pendant ses années d'exil, en 1813, sous ce titre: De l'esprit de conquête et de l'usurpation dans leurs rapports avec
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