faut bien que les jeunes princes soient des petits gar?ons, et ils ne sauraient être autre chose.
-- Avez-vous jamais, monsieur, entendu parler de sirènes? dit M. Willet.
-- Certainement, j'en ai entendu parler, répliqua le sacristain.
-- Très bien, dit M. Willet. D'après la constitution des sirènes, tout ce qui, dans la sirène, n'est point femme, doit être poisson. D'après la constitution des jeunes princes, tout ce qui, dans un jeune prince, si c'est possible, n'est pas réellement ange, doit être divin et légal. En conséquence, s'il est convenable, divin et légal que les jeunes princes (comme cela l'est à leur age) soient des petits gar?ons, ils sont et doivent être des petits gar?ons, et il est de toute impossibilité qu'ils soient autre chose.?
Cette élucidation d'un point épineux ayant été re?ue avec des marques d'approbation bien propres à mettre John Willet de bonne humeur il se contenta de répéter à son fils l'ordre de garder le silence, et s'adressant à l'étranger: ?Monsieur, dit-il, si vous aviez posé vos questions à une grande personne, à moi ou à l'un de ces messieurs, on vous e?t satisfait, et vous n'eussiez pas perdu vos peines. Mlle Haredale est la nièce de M. Geoffroy Haredale.
-- Son père existe-t-il? dit l'homme négligemment.
-- Non, répliqua l'aubergiste, il n'existe plus, et il n'est pas mort.
-- Pas mort! s'écria l'autre.
-- Pas mort comme on l'est généralement.? dit l'aubergiste.
Les compères inclinèrent leurs têtes l'un vers l'autre, et M. Parkes, en secouant quelque temps la sienne comme pour dire ?Allons! allons! qu'on ne vienne pas me contredire là-dessus, car personne ne me ferait croire le contraire?, dit à voix basse: ?John Willet est ce soir d'une force étonnante, et capable de tenir tête à un président de cour de justice.?
L'étranger laissa s'écouler quelques moments sans rien dire, puis ensuite il demanda d'une manière un peu brusque:
?Qu'entendez-vous par là?
-- Plus que vous ne pensez, l'ami, répondit John Willet. Il y a peut-être plus de portée dans ces mots-là que vous ne le soup?onnez.
-- ?a peut bien être, dit l'étranger d'un ton bourru, mais pourquoi diable parlez-vous d'une fa?on si mystérieuse? Vous me dites d'abord qu'un homme n'existe plus, et que cependant il n'est pas mort, puis qu'il n'est pas mort comme on l'est généralement, puis que vous entendez par là beaucoup plus de choses que je ne pense. Eh bien! je vous le répète, qu'entendez-vous par là?
-- C'est que, répondit l'aubergiste un peu ébranlé dans sa dignité par l'humeur rudanière de son h?te, c'est une histoire du Maypole, et qui a bien quelque vingt-quatre ans. Cette histoire est l'histoire de Salomon Daisy: elle appartient à l'établissement; et personne autre que Salomon Daisy ne l'a jamais racontée sous ce toit, ni personne que lui ne la racontera jamais, c'est bien plus fort.?
L'homme lan?a un regard au sacristain. Celui-ci, dont l'air important et capable témoignait ouvertement que c'était lui dont l'aubergiste venait de parler, avait commencé par retirer sa pipe de ses lèvres après une longue aspiration pour l'entretenir allumée, et se disposait évidemment à raconter son histoire sans se faire prier davantage; ce que voyant, l'étranger ramassa son large manteau autour de lui, et, se retirant plus en arrière, se trouva presque perdu dans l'obscurité du coin de la spacieuse cheminée, si ce n'est lorsque la flamme, parvenant à se dégager de dessous le gros fagot dont le poids l'avait presque étouffée pendant quelque temps, jaillit en haut avec un soudain et violent éclat, et, illuminant un moment sa figure, parut ensuite la rejeter dans une obscurité plus profonde qu'auparavant.
à la lueur de cette clarté voltigeante, qui faisait que la vieille maison, avec ses lourdes poutres et ses murailles boisées, avait l'air d'être construite en ébène polie, le vent rugissant et hurlant au dehors, tant?t secouant de toutes ses forces le loquet, tant?t faisant grincer les gonds de la solide porte de chêne, tant?t enfin venant battre le chassis comme s'il allait l'enfoncer; à la lueur de cette clarté, dis-je, et dans des circonstances si propices, Salomon Daisy commen?a son histoire:
?C'était M. Reuben Haredale, frère a?né de M. Geoffroy.? Ici, il eut une espèce d'accroc, et fit une si longue halte, que John Willet lui-même en éprouva de l'impatience, et demanda pourquoi il ne continuait pas.
?Cobb, dit Salomon Daisy baissant la voix et interpellant le buraliste de la poste, le combien sommes-nous du mois?
-- Le dix-neuf.
-- De mars, dit le sacristain en se penchant en avant, le dix-neuf de mars, c'est fort extraordinaire.?
Tous répétèrent à voix basse que c'était fort extraordinaire et Salomon poursuivit.
?C'était M. Reuben Haredale, frère de M. Geoffroy, qui était, il y a vingt-deux ans, le propriétaire de la Garenne, laquelle Garenne comme l'a dit Joe (non pas que vous vous rappeliez cela, Joe, c'est trop ancien pour un jouvenceau de votre age, mais vous me l'avez entendu dire), était un
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