messieurs, que je me sentais d��j�� beaucoup d'amiti�� pour elle. D'abord je lui avais rendu un grand service, et vous savez qu'on s'attache bien plus �� ses amis par les services qu'on leur rend que par ceux qu'on re?oit d'eux. De plus, elle me paraissait d'un tr��s-bon caract��re, car la plaisanterie m��me qu'elle avait voulu faire au crocodile indiquait un naturel port�� �� la joie; or, la joie, vous le savez, messieurs, quand elle n'est pas feinte, est le sympt?me d'un bon coeur et d'une bonne conscience.
Enfin j'��tais seul, en pays ��tranger, �� cinq mille lieues de Saint-Malo, sans amis, sans parents, sans famille. Il me sembla que la soci��t�� d'un ami qui me devrait la vie,--cet ami e?t-il quatre pattes, des griffes redoutables et des dents terribles,--vaudrait toujours mieux que rien.
Avais-je tort?
Non, messieurs. Et la suite l'a bien prouv��.
Mais, pour ne pas anticiper sur mon histoire, je dois dire que Louison ne me parut pas avoir besoin d'un ami autant que moi.
Quand je m'approchai d'elle, je la vis, ne pouvant se soutenir qu'avec peine sur trois pattes, se coucher sur le dos, et l��, attendre mon attaque en d��sesp��r��e. Elle poussait le cri rauque qui lui est habituel quand elle se met en col��re, elle grin?ait des dents, elle me montrait ses griffes et semblait pr��te �� me d��vorer, ou tout au moins �� vendre ch��rement sa vie.
Mais je sais apprivoiser les ��tres les plus f��roces.
Je m'avan?ai donc d'un air paisible. Je d��posai ma carabine sur le sable, �� port��e de la main, je me penchai sur la tigresse, et je lui caressai doucement la t��te comme �� un enfant.
D'abord elle me regarda obliquement, comme pour m'interroger. Mais quand elle vit que mes intentions ��taient bonnes, elle se remit sur le ventre, l��cha doucement ma main, et d'un air triste me pr��senta sa patte malade. Je sentis �� mon tour tout le prix de cette marque de confiance, et je regardai cette patte avec soin. Rien n'��tait bris��. Les dents du crocodile n'avaient m��me pas p��n��tr�� fort avant, �� cause de la mani��re dont Louison lui serrait la langue.
Je me contentai de laver la plaie avec soin. Je tirai de ma carnassi��re un flacon d'alcali dont je versai une ou deux gouttes sur la blessure, et je fis signe �� Louison de me suivre.
Soit reconnaissance, soit d��sir d'��tre pans��e avec soin, elle se laissa conduire et me suivit jusqu'au chariot, o�� les deux Malais qui m'accompagnaient faillirent mourir de peur en l'apercevant. Ils saut��rent �� bas du chariot et rien ne put les d��cider �� y remonter.
Le jour suivant nous retournames �� Batavia. Corn��lius van Crittenden fut bien ��tonn�� de me voir arriver avec ma nouvelle amie, �� qui j'avais donn�� tout de suite le nom de Louison, et qui me suivait dans les rues comme un jeune chien.
Huit jours apr��s je levai l'ancre, emmenant la tigresse, qui n'a jamais cess�� de me tenir fid��le compagnie. Une nuit m��me, dans les parages de Born��o, elle m'a sauv�� la vie.
Mon brick fut surpris par un temps calme �� trois lieues de l'?le. Vers minuit, comme mon ��quipage, compos�� de douze hommes seulement, s'��tait endormi, une centaine de pirates malais monta tout �� coup �� bord et jeta dans la mer le matelot qui tenait le gouvernail.
Ce meurtre fut commis si promptement, que personne n'entendit le moindre bruit et ne put d��fendre le malheureux matelot.
De l�� on courut �� la porte de ma chambre pour l'enfoncer. Mais Louison dormait �� l'int��rieur, au pied de mon lit.
Elle s'��veille au bruit, et commence �� grogner d'une mani��re terrible.
En deux secondes je fus debout, un pistolet dans chaque main, ma hache d'abordage entre les dents.
Au m��me instant, les pirates enfoncent la porte et se pr��cipitent dans ma cabine. Le premier qui s'avan?a eut la cervelle bris��e d'un coup de pistolet. Le second tomba frapp�� d'une balle. Le troisi��me fut jet�� �� terre par Louison, qui, d'un coup de dent, lui brisa la nuque.
Je fendis la t��te au quatri��me d'un coup de hache, et je montai sur le pont en appelant mes matelots �� l'aide.
Pendant ce temps, Louison faisait merveille. D'un bond elle renversa trois Malais qui voulaient me poursuivre. D'un autre bond elle fut au milieu de la m��l��e. Ses mouvements avaient la promptitude de l'��clair.
En deux minutes elle tua six des pirates. Les ongles de ses griffes p��n��traient comme des pointes d'��p��e dans la chair de ces malheureux. Quoiqu'elle perdit son sang par trois blessures, elle n'en paraissait que plus ardente �� la bataille et me couvrait de son corps.
[Illustration: Je versai deux gouttes d'alcali sur la blessure. (Page 41.)]
Enfin mes matelots arriv��rent, arm��s de revolvers et de barres de fer. D��s lors la victoire fut d��cid��e. Une vingtaine de pirates furent jet��s �� l'eau. Les autres s'y jet��rent eux-m��mes pour regagner leurs
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