Auguste Comte et Herbert Spencer | Page 4

E. de Roberty
Il la tira aussi de son commerce patient, obstin��, avec ce qu'il y a de plus grand, de plus s?r et de plus sain dans notre civilisation instable, du commerce avec la s��rie totale des sciences particuli��res, m��re des supr��mes abstractions de l'esprit.
Il fut ainsi conduit �� marier l'agnosticisme qui repr��sente le pass�� religieux de l'humanit��, au monisme qui, repr��sentant son avenir scientifique, [p.13] contient en germe la n��gation formelle de l'inconnaissable. Et dans le m��me cadre, sans prendre garde qu'il pouvait se briser en pi��ces, il fit entrer, il maintint d'autorit�� une troisi��me synth��se, la th��orie ��volutionniste, figurative surtout de l'��poque actuelle dont elle constitue, sans nul doute, la principale marque.
Au surplus, l'exceptionnel g��nie vulgarisateur de Comte se manifeste jusque dans la mani��re, qui lui est propre, de traiter les plus difficiles probl��mes. Je parle ici, bien entendu, de la m��thode du positivisme, et non de la forme ou du style des ��crits de Comte, obstacle minime si l'on songe combien facilement il fut surmont�� par le talent litt��raire des premiers ��vang��listes de la bonne parole. Je le r��p��te, comme doctrine et comme _m��thode_, l'oeuvre de Comte est toute de _nivellement_; j'insiste sur ce terme auquel, d'ailleurs, je n'attache aucune id��e p��jorative et qui dans ma bouche ne prend, en nulle fa?on, le sens d'abaissement.
[p.14] Comte n'a aucun souci d'approfondir les trois grandes th��ses qui forment les pivots sur lesquels s'appuie son entreprise philosophique. Il ��tend, il d��veloppe la surface occup��e par les probl��mes de l'agnosticisme, du monisme et de l'��volutionnisme; il cherche �� rendre ces questions abstraites accessibles aux intelligences moyennes, il leur donne un aspect pratique parfois tr��s s��duisant, il invoque, �� chaque tournant de route, les t��moignages de la raison vulgaire, de l'exp��rience de tous les jours. Il est autoritaire, dogmatique, ainsi qu'il convient �� un penseur qui s'adresse �� la foule. Il est le moins sceptique, le moins d��licat, le moins raffin��, mais aussi le moins calculateur, le plus sinc��re, le plus na?f des philosophes. Il est d'une bonne foi enti��re, admirable. Il se garde comme du plus grand des malheurs, comme d'un p��ch�� irr��missible, de creuser les questions pr��alables, de scruter les principes, les points de d��part, d'aller au fond des choses. Il est l'ennemi jur�� de la subtilit�� [p.15] qu'il envisage comme la vraie tare m��taphysique. Au point de vue utilitaire, il a mille fois raison, puisque dans les vastes landes encore incultes, dans les jach��res de la connaissance, telles que la psychologie ou la sociologie, il ��chappe de la sorte au verbiage oiseux, �� l'aiguisement inutile du tranchant de la pens��e, qui ensuite se prodigue en pure perte. Mais, th��oriquement, sa position cesse d'��tre aussi bonne. Car les sciences sup��rieures ne restent pas stationnaires, et leurs acqu��ts ne sont pas tous dus �� l'observation pure et simple. L'��l��ment rationnel y entre pour une part qui va en augmentant. L'hypoth��se, l'abstraction et la g��n��ralisation y jouent un r?le de plus en plus consid��rable.
En d��finitive donc, il y a lieu, croyons-nous, de reconna?tre cette v��rit�� d'ordre exp��rimental: par le positivisme la philosophie--une philosophie s��rieuse--fut pour la premi��re fois mise �� la port��e d'une tr��s forte majorit�� d'esprits. Historiquement parlant et [p.16] jugeant, un grand progr��s s'est accompli par l��. La d��mocratie intellectuelle,--cr��ation, en somme, heureuse de notre ��poque, puis-qu'elle permet les longs espoirs dans l'avenir destructeur des iniquit��s sociales,--la d��mocratie de l'esprit, dis-je, en fut du coup ennoblie, ��pur��e, moralis��e. Un ��crivain qui appartient aux jeunes g��n��rations sur lesquelles nous pouvons s?rement compter, l'affirme en ces termes nets (et je l'en f��licite): ?Le positivisme n'effarouche que les consciences troubles dont il d��nonce les basses convoitises; toute la noblesse de l'homme s'irradie de son esprit?[4].
Mais il y a mieux peut-��tre, au regard des contingences futures. Sorties des nuages m��taphysiques o�� se cachait leur ��clatante nudit��, les trois grandes th��ories hypoth��tiques (v��rit��s ou erreurs, il n'importe): l'agnosticisme, le monisme et l'��volutionnisme, sont aujourd'hui descendues sur terre. Divinit��s autrefois [p.17] si farouches, elles s'humanisent visiblement; elles ne demandent qu'�� subir la terrible ��preuve, elles veulent bien devenir f��condes du fait de la science particuli��re.
Faut-il ajouter qu'une orientation r��cente de la philosophie, ��tiquet��e par la critique adverse comme hyperpositivisme et �� laquelle on me fait l'honneur d'associer mon nom, que cette orientation consiste essentiellement �� pr��ter, �� l'oeuvre naturelle et in��vitable d'un tel ensemencement scientifique, l'aide jusqu'ici d��daign��e des ��tudes, des exp��riences sp��ciales dans les domaines limitrophes de la biologie, de la sociologie et de la psychologie? Et faut-il rappeler que le premier r��sultat de ces efforts encore si incertains fut de rejeter du positivisme l'��l��ment mystique, et en m��me temps de conserver, de raffermir, de d��velopper ses deux autres principes constitutifs?[5]
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II [p.19]
La philosophie ��volutionniste nous d��couvre une autre face de la contradiction fondamentale entre l'agnosticisme et le monisme.
Destin��e, au dire de ses adeptes,
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