Au bonheur des dames | Page 8

Emile Zola
��tait une affaire d'or; et, dans l'��clat de sa grosse sant��, il s'interrompait pour geindre, pour se plaindre de ses sacr��es douleurs, qui le for?aient �� manquer sa fortune. Mais Robineau, nerveux et tourment��, l'interrompait avec impatience: il connaissait la crise que les nouveaut��s traversaient, il citait une sp��cialit�� de soie tu��e d��j�� par le voisinage du Bonheur. Vin?ard, enflamm��, ��leva la voix.
-- Parbleu! la culbute de ce grand serin de Vabre ��tait fatale. Sa femme mangeait tout... Puis, nous sommes ici �� plus de cinq cents m��tres, tandis que Vabre se trouvait porte �� porte avec l'autre.
Alors, Gaujean, le fabricant de soie, intervint. De nouveau, les voix baiss��rent. Lui, accusait les grands magasins de ruiner la fabrication fran?aise; trois ou quatre lui faisaient la loi, r��gnaient en ma?tres sur le march��; et il laissait entendre que la seule fa?on de les combattre ��tait de favoriser le petit commerce, les sp��cialit��s surtout, auxquelles l'avenir appartenait. Aussi offrait-il des cr��dits tr��s larges �� Robineau.
-- Voyez comme le Bonheur s'est conduit �� votre ��gard! r��p��tait- il. Aucun compte des services rendus, des machines �� exploiter le monde!... La situation de premier vous ��tait promise depuis longtemps, lorsque Bouthemont, qui arrivait du dehors et qui n'avait aucun titre, l'a obtenue du coup.
La plaie de cette injustice saignait encore chez Robineau. Pourtant, il h��sitait �� s'��tablir, il expliquait que l'argent ne venait pas de lui; c'��tait sa femme qui avait h��rit�� de soixante mille francs, et il se montrait plein de scrupules devant cette somme, il aurait mieux aim��, disait-il, se couper tout de suite les deux poings, que de la compromettre dans de mauvaises affaires.
-- Non, je ne suis pas d��cid��, finit-il par conclure. Laissez-moi le temps de r��fl��chir, nous en recauserons.
-- Comme vous voudrez, dit Vin?ard en cachant son d��sappointement sous un air bonhomme. Mon int��r��t n'est pas de vendre. Allez, sans mes douleurs...
Et, revenant au milieu du magasin:
-- Qu'y a-t-il pour votre service, monsieur Baudu?
Le drapier, qui ��coutait d'une oreille, pr��senta Denise, conta ce qu'il voulut de son histoire, dit qu'elle avait travaill�� deux ans en province.
-- Et, comme vous cherchez une bonne vendeuse, m'a-t-on appris...
Vin?ard affecta un grand d��sespoir.
-- Oh! c'est jouer de guignon! Sans doute, j'ai cherch�� une vendeuse pendant huit jours. Mais je viens d'en arr��ter une, il n'y a pas deux heures.
Un silence r��gna. Denise semblait constern��e. Alors, Robineau qui la regardait avec int��r��t, apitoy�� sans doute par sa mine pauvre, se permit un renseignement.
-- Je sais qu'on a besoin chez nous de quelqu'un, au rayon des confections.
Baudu ne put retenir ce cri de son coeur:
-- Chez vous, ah! non, par exemple!
Puis, il resta embarrass��. Denise ��tait devenue toute rouge: entrer dans ce grand magasin, jamais elle n'oserait! et l'id��e d'y ��tre la comblait d'orgueil.
-- Pourquoi donc? reprit Robineau surpris. Ce serait au contraire une chance pour mademoiselle... Je lui conseille de se pr��senter demain matin �� Mme Aur��lie, la premi��re. Le pis qui puisse lui arriver, c'est de n'��tre pas accept��e.
Le drapier, pour cacher sa r��volte int��rieure, se jeta dans des phrases vagues: il connaissait Mme Aur��lie, ou du moins son mari, Lhomme, le caissier, un gros qui avait eu le bras droit coup�� par un omnibus. Puis, revenant brusquement �� Denise:
-- D'ailleurs, c'est son affaire, ce n'est pas la mienne... Elle est bien libre.
Et il sortit, apr��s avoir salu�� Gaujean et Robineau. Vin?ard l'accompagna jusqu'�� la porte, en renouvelant l'expression de ses regrets. La jeune fille ��tait demeur��e au milieu du magasin, intimid��e, d��sireuse d'obtenir du commis des renseignements plus complets. Mais elle n'osa pas. Elle salua �� son tour et dit simplement:
-- Merci, monsieur.
Sur le trottoir, Baudu n'adressa pas la parole �� sa ni��ce. Il marchait vite, il la for?ait �� courir, comme emport�� par ses r��flexions. Rue de la Michodi��re, il allait rentrer chez lui, lorsqu'un boutiquier voisin, debout sur la porte, l'appela d'un signe. Denise s'arr��ta pour l'attendre.
-- Quoi donc, p��re Bourras? demanda le drapier.
Bourras ��tait un grand vieillard �� t��te de proph��te, chevelu et barbu, avec des yeux per?ants sous de gros sourcils embroussaill��s. Il tenait un commerce de cannes et de parapluies, faisait les raccommodages, sculptait m��me des manches, ce qui lui avait conquis une c��l��brit�� d'artiste dans le quartier. Denise donna un coup d'oeil aux vitrines de la boutique, o�� les parapluies et les cannes s'alignaient par files r��guli��res. Mais elle leva les yeux, et la maison surtout l'��tonna: une masure prise entre le Bonheur des Dames et un grand h?tel Louis XIV, pouss��e on ne savait comment dans cette fente ��troite, au fond de laquelle ses deux ��tages bas s'��crasaient. Sans les soutiens de droite et de gauche, elle serait tomb��e, les ardoises de sa toiture tordues et pourries, sa fa?ade de deux fen��tres coutur��e de l��zardes, coulant en longues taches de rouille sur la boiserie �� demi
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