Alsace, Lorraine et France rhénane | Page 4

Stéphen Coubé
qui ne sont pas encore rachetées ou délivrées du joug de l'étranger: irredente. Sans doute ce mouvement est allé trop loin et a même été dirigé contre la France au temps de la défunte Triplice, alors que quelques agités parlaient de reprendre Nice à la France. Mais, en soi, il est naturel et légitime, car il est fondé sur le principe des nationalités bien compris.
Une nation a le droit de revendiquer un pays où elle retrouve ses frères, sa race, ses moeurs et où l'appellent une frontière naturelle, un droit historique découlant d'une possession antérieure, enfin et surtout le voeu des habitants.
Eh bien, il doit y avoir un irrédentisme fran?ais, appliqué à la rive gauche du Rhin, parce que cette rive est pour nous un patrimoine sacré. Elle nous a appartenu pendant plus de mille ans, avant d'être accaparée par la Germanie. Elle est encha?née aujourd'hui; nous devons briser ses fers. Lorsque le Syndic de Chambéry présenta, en 1792, les clefs de sa ville au général de Montesquiou, il lui dit: ?_Nous ne sommes pas un peuple conquis, nous sommes un peuple délivré_.? Voilà ce que devront nous dire bient?t tous les habitants de la rive gauche du Rhin.
Charles VII était un irrédentiste, quand il disait, en 1444: ?_Le royaume de France a été, depuis beaucoup d'années, dépouillé de ses limites naturelles qui allaient jusqu'au Rhin; il est temps d'y rétablir sa souveraineté.?
Turenne était un irrédentiste, lorsqu'il disait au chevalier de la Fare, en 1674: ?_Il ne faut pas qu'il y ait un homme de guerre au repos en France tant qu'il y aura un Allemand en Alsace_.?
Lazare Carnot était un irrédentiste, quand il écrivait: ?_Les limites anciennes et naturelles de la France sont le Rhin, les Alpes et les Pyrénées_.?
Danton était un irrédentiste, quand il s'écriait à la Convention, le 31 janvier 1793: ?_Les limites de la France sont marquées par la Nature. Nous les atteindrons à leurs quatre points: à l'Océan, aux bords du Rhin, aux Alpes, aux Pyrénées_.?
Merlin de Douai était un irrédentiste, quand il disait à la même tribune, le 24 septembre 1795: ?_Certes, ce n'est pas pour rentrer honteusement dans nos anciennes limites que les armées républicaines vont aujourd'hui, avec tant d'audace et de bravoure, chercher et anéantir au delà de ce fleuve redoutable (le Rhin) les derniers ennemis de la liberté_.?
Cette phrase de Merlin s'applique avec une précision émouvante à notre temps. Si nos soldats luttent et meurent depuis un an avec tant d'héro?sme, c'est pour que la France soit à jamais délivrée du péril teuton. Or la possession des provinces cisrhénanes est indispensable pour cela: c'est la condition absolue de notre sécurité à l'avenir. Ce serait tromper et trahir le sang de nos morts que de ne pas aller jusqu'au bout de nos droits.
Napoléon était un irrédentiste, lorsqu'il écrivait cette phrase magnifique, où l'on retrouve la netteté, la majesté et la profondeur d'une pensée de Bossuet: ?_La France reprendra t?t ou tard... ses limites naturelles, celles du Rhin, qui sont un décret de Dieu, comme les Alpes et les Pyrénées_.?
Victor Hugo était un irrédentiste, le jour où il disait: ?_Il faut rendre à la France ce que Dieu lui a donné, la rive gauche du Rhin_.?
Oui, le Rhin nous attend. Nos drapeaux devront bient?t flotter joyeusement sur ses rives, de Bale jusqu'à Cologne. La voix du sang fran?ais qu'il a bu, les ossements de nos pères qui dorment dans sa longue vallée, notre passé, notre avenir, le décret de Dieu nous y appellent. Les Allemands aiment à chanter la Wacht am Rhein: c'est à la France maintenant de chanter et surtout de monter, face à l'Est, la ?garde du Rhin?.
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Le nom de ?France rhénane?.
Supposons un instant le problème résolu de la manière la plus complète. Les drapeaux fran?ais flottent à Trèves, à Mayence, à Coblentz, à Cologne, à Aix-la-Chapelle. Une question préalable se pose. Comment appellerons-nous le pays qui s'étend au nord de l'Alsace et de la Lorraine?
Il ne peut plus être question des dénominations actuelles, puisqu'elles ne répondent plus à la réalité. Ces terres n'appartenant plus à la Bavière, à la Hesse et à la Prusse, ne peuvent plus s'appeler Bavière, Hesse ou Prusse rhénanes.
Nous avons rappelé plus haut que cette contrée, réunie à la France de 1795 à 1815, formait les départements de la Sarre, du Mont-Tonnerre, du Rhin-et-Moselle et de la Roer. On voudra sans doute revenir à cette ancienne division administrative et ressusciter ces noms: ce sera logique et patriotique. Mais pour la commodité et la nécessité du langage, il faudra en plus un vocable général, un nom précis et distinct englobant ces quatre départements.
Je propose de les appeler la France rhénane. Ce vocable s'inspire du même principe que les vocables allemands usités jusqu'ici, mais en tenant compte des conditions nouvelles où se trouveront ces
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