Aline et Valcour, tome II | Page 3

D.A.F. de Sade
les murs, me dit L��onore effray��e; nous ne le pourrons jamais.--Rien n'est impossible �� l'amour, m'��criai-je; laissez-vous diriger par lui, nous serons r��unis demain. Cette aimable fille m'oppose encore quelques scrupules, me fait entrevoir des difficult��s; mais je la conjure de ne se rendre, comme moi, qu'au sentiment qui nous enflamme.... Elle fr��mit.... Elle promet, et nous convenons de nous ��viter, et de ne plus nous revoir, qu'au moment de l'ex��cution. Je vais y r��fl��chir, lui dis-je, ma tante vous remettra un billet; vous ex��cuterez ce qu'il contiendra; nous nous verrons encore une fois, pour disposer tout, et nous partirons.
Je ne voulais point mettre ma tante dans une telle confidence. Accepterait-elle de nous servir; ne nous trahirait-elle pas? Ces consid��rations m'arr��taient; cependant il fallait agir. Seul, d��guis��, dans une maison vaste dont je connoissais �� peine les d��tours et les environs; tout cela ��tait fort difficile; rien ne m'arr��ta cependant, et vous allez voir les moyens que je pris.
Apr��s avoir profond��ment ��tudi�� pendant vingt-quatre heures, tout ce que la situation pouvait me permettre, je m'aper?us qu'un sculpteur venait tous les jours dans une chapelle int��rieure du couvent, r��parer une grande statue de Sainte Ultrogote, patrone de la maison, en laquelle les religieuses avaient une foi profonde; on lui avait vu faire des miracles; elle accordait tout ce qu'on lui demandait. Avec quelques paten?tres, d��votement r��cit��es au bas de son autel, on ��tait s?r de la b��atitude c��leste. R��solu de tout hasarder, je m'approchai de l'artiste, et apr��s quelques g��nuflexions pr��liminaires, je demandai �� cet homme, s'il avait autant de foi que ces dames au cr��dit de la sainte qu'il rajustait. Je suis ��trang��re dans cette maison, ajoutai-je, et je serais bien aise d'entendre raconter par vous quelques hauts faits de cette bienheureuse.--Bon, dit le sculpteur, en riant, et croyant pouvoir parler avec plus de franchise, d'apr��s le ton qu'il me voyait prendre avec lui.--Ne voyez-vous pas bien que ce sont des b��guines, qui croyent tout ce qu'on leur dit. Comment voulez-vous qu'un morceau de bois fasse des choses extraordinaires? Le premier de tous les miracles devrait ��tre de se conserver, et vous voyez bien qu'elle n'en a pas l�� puissance, puisqu'il faut que je la raccommode. Vous ne croyez pas �� toutes ces momeries l��, vous, mademoiselle.--Ma foi, pas trop, r��pondis-je; mais il faut bien faire comme les autres. Et m'imaginant que cette ouverture devait suffir pour le premier jour, je m'en tins l��. Le lendemain, la conversation reprit, et continua sur le m��me ton. Je fus plus loin; je lui donnai beau jeu et il s'enflamma, et je crois que si j'eusse continu�� de l'��mouvoir, l'autel m��me de la miraculeuse statue, f?t devenu le tr?ne de nos plaisirs.... Quand je le vis l��, je lui saisis la main. Brave homme, lui dis-je, voyez en moi, au lieu d'une fille, un malheureux amant, dont vous pouvez faire le bonheur.--Oh ciel! monsieur, vous allez nous perdre tous deux.--Non, ��coutez-moi; servez-moi, secourez-moi, et votre fortune est faite; et en disant cela, pour donner plus de force �� mes discours, je lui glissai un rouleau de vingt-cinq louis, l'assurant que je n'en resterais pas l��, s'il voulait m'��tre utile.--Eh bien, qu'exigez-vous?--Il y a ici une jeune pensionnaire que j'adore, elle m'aime, elle consent �� tout, je veux l'enlever, et l'��pouser; mais je ne le puis, sans votre secours.--Et comment puis-je vous ��tre utile?--Rien de plus simple; brisons les deux bras de cette statue, dites qu'elle est en mauvais ��tat, que quand vous avez voulu la r��parer, elle s'est d��mantibul��e toute seule, qu'il vous est impossible de la rajuster ici; qu'il est indispensable qu'elle soit emport��e chez vous.... On y consentira, on y est trop attach��, pour ne pas accepter tout ce qui peut la conserver.... Je viendrai seul la nuit, achever de la rompre; j'en absorberai les morceaux, ma ma?tresse, envelopp��e sous les attirails qui parent cette statue, viendra se mettre �� sa place, vous la couvrirez d'un grand drap, et aid�� d'un de vos gar?ons, vous l'emporterez de bon matin dans votre atelier; une femme �� nous s'y trouvera; vous lui remettrez l'objet de mes voeux; je serai chez vous deux heures apr��s; vous accepterez de nouvelles marques de ma reconnaissance, vous direz ensuite �� vos religieuses, que la statue est tomb��e en poussi��re, quand vous avez voulu y mettre le ciseau, et que vous allez leur en faire une neuve. Mille difficult��s s'offrirent aux yeux d'un homme qui, moins ��pris que moi, voyait sans-doute infiniment mieux. Je n'��coutai rien, je ne cherchai qu'�� vaincre; deux nouveaux rouleaux y r��ussirent, et nous nous m?mes d��s l'instant �� l'ouvrage. Les deux bras furent impitoyablement cass��s. Les religieuses appel��es, le projet du transport de la sainte approuv��, il ne fut plus question que d'agir.
Ce fut alors que j'��crivis le billet convenu �� L��onore; je
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