les surmonte, et, avec toute cette r��signation, tout ce courage, toute cette douceur, il d��vore sa vie, il use son coeur, il est malheureux.
TICKLE.
Infortun�� jeune homme! Votre Grace devrait avoir plus de compassion, lui ��pargner...
LA REINE.
Mais de quoi se plaint-il, apr��s tout? Son coeur est injuste, son esprit est plein de travers, d'incons��quences, de souffrances sans sujet et sans rem��de. Que puis-je faire pour un cerveau malade? Je l'aime de toute mon ame et lui ��pargne la douleur tant que je puis; mais le mal est en lui, et parfois, en le voyant marcher, pale et sombre, �� mes c?t��s, je l'ai pris pour l'ange de la douleur.
TICKLE.
Le spectacle d'un homme toujours m��content doit ��tre un grand supplice pour une ame g��n��reuse comme celle de Votre Grace.
LA REINE.
Oui, cela non-seulement m'afflige, mais encore me blesse et m'irrite. Quoi de plus d��courageant que de vouloir consoler un inconsolable? C'est se consumer jeune et pleine de sant�� aupr��s du lit d'un moribond qui ne peut ni vivre ni mourir.
TICKLE.
Votre Grace a fait pourtant bien des sacrifices pour lui. De quoi pourrait-il se plaindre? n'a-t-elle pas disgraci�� pour lui le duc de Suffolk, l'astre le plus brillant de la cour?
LA REINE.
Oh! le grand sacrifice! je ne l'aimais plus!
TICKLE.
Il n'avait jamais d'ailleurs ��t�� bien aimable.
LA REINE.
Il ne faut pas dire cela; c'��tait un homme d'esprit et plein de nobles qualit��s.
TICKLE.
Oh! oui, g��n��reux, brave, d��sint��ress��!...
LA REINE.
Ceci est faux; il ��tait plus ��pris de mon rang que de ma personne.
TICKLE.
C'est le malheur des rois.
LA REINE.
Et c'est ce qui me fait ch��rir l'amour de mon po?te: lui du moins m'aime pour moi seule. Il sait �� peine si je suis reine. Il n'en est point ��bloui; m��me il en souffre, et je crois qu'il me le pardonne.
TICKLE.
Votre Grace est-elle bien s?re que dans son orgueil de po?te il ne pr��f��re point sa condition �� celle d un roi?
LA REINE.
S'il le fait, il fait bien. Le laurier du po?te est la plus belle des couronnes, la plume d'un grand ��crivain est un sceptre plus puissant que les n?tres. Moi, j'aime qu'un esprit sup��rieur sache ce qu'il est et ce qu'il peut ��tre; c'est ainsi qu'on arrive aux grandes actions.
TICKLE.
Aussi je crois que le po?te Aldo est r��serv�� �� de hautes destin��es. Il est digne de commander aux hommes, et un mot de Voire Grace pourrait l'��lever au v��ritable rang qu'il est n�� pour occuper....
LA REINE.
Si je ne te savais profond��ment hypocrite, ? mon cher Tickle, je le dirais que tu es parfaitement imb��cile. Qui? lui! ��tre mon ��poux! r��gner! D'abord le sceptre jusqu'ici ne m'a pas sembl�� trop lourd �� porter; ensuite Aldo est le dernier homme du monde que je pourrais supposer capable de me seconder. Personne ne conna?t moins les autres hommes, personne n'a d'id��es plus creuses, de sentiments plus exceptionnels, de r��ves plus inex��cutables. Vraiment! mon peuple serait un peuple bien gouvern��! il pourrait chanter beaucoup et manger fort peu, ce qui ne laisserait pas que d'��tre fort agr��able, le jour o�� le po?te-roi aurait d��couvert le moyen de placer l'estomac dans les oreilles. Laisse-moi, Tickle; tu n'as pas le sens commun aujourd'hui.
TICKLE, sortant.
Fort bien, j'ai r��ussi �� la facher; j'��tais bien sur qu'en disant comme elle, je l'am��nerais �� dire comme moi.
SC��NE II.
LA REINE, seule.
Ce Tickle est un facheux personnage; il a une mani��re d'entrer dans mes id��es qui m'en d��go?te sur-le-champ. Ces pr��tendus bouffons, que nous ayons autour de nous, sont comme nos mauvais g��nies, laids et m��chants; ils tiennent du diable. Ils ont l'art de nous dire la v��rit�� qui nous blesse,. et de nous taire celle qui nous serait utile. Quand ils ne mentent pas, c'est que leur mensonge pourrait nous ��pargner une douleur ou nous sauver d'un p��ril; c'est alors seulement qu'ils se refusent Je plaisir de nous tromper. Il faut que je voie mon po?te, je me sens attrist��e et pr��te �� douter de tout. L'homme aux illusions me consolera peut-��tre. (Elle siffle dans un sifflet d'argent suspendu �� son cou.) (Tickle rentre.) Nain, envoyez Aldo pr��s de moi, je l'attends ici.
TICKLE.
J'y cours avec joie.
LA REINE.
Apr��s tout, Tickle a souvent raison, quand il me dit que cet amour nuit �� ma gloire. Le duc de Suffolk m'��tait moins cher, je l'estimais moins, j'��tais moins touch��e de son amour; mais son esprit, moins ��lev��, ��tait plus positif; c'��tait un ambitieux, mais un ambitieux qui secondait toutes mes vues. J ai aim�� autrefois le brave Athol. Celui-l�� ��tait un beau soldat, un bon serviteur, un v��ritable ami; du reste, un montagnard stupide; mais il ��tait l'appui de ma royaut��, il la rendait redoutable au dehors, paisible au dedans; c'��tait comme une bonne arme bien tremp��e et bien brillante dans ma main. Ce po?te est dans mon palais comme un objet de luxe, comme un vain troph��e qu'on admire et qui ne
Continue reading on your phone by scaning this QR Code
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the
Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.