est la folie qu'il faudrait vous inoculer?
Voici, je vous enseigne le Surhumain: il est cet éclair, il est cette folie!
Quand Zarathoustra eut parlé ainsi, quelqu'un de la foule s'écria: "Nous avons assez entendu parler du danseur de corde; faites-nous-le voir maintenant!" Et tout le peuple rit de Zarathoustra. Mais le danseur de corde qui croyait que l'on avait parlé de lui se mit à l'ouvrage.
4.
Zarathoustra, cependant, regardait le peuple et s'étonnait. Puis il dit:
L'homme est une corde tendue entre la bête et le Surhumain, - une corde sur l'ab?me.
Il est dangereux de passer de l'autre c?té, dangereux de rester en route, dangereux de regarder en arrière - frisson et arrêt dangereux.
Ce qu'il y a de grand dans l'homme, c'est qu'il est un pont et non un but: ce que l'on peut aimer en l'homme, c'est qu'il est un passage et un _déclin._
J'aime ceux qui ne savent vivre autrement que pour dispara?tre, car ils passent au delà.
J'aime les grands contempteurs, parce qu'ils sont les grands adorateurs, les flèches du désir vers l'autre rive.
J'aime ceux qui ne cherchent pas, derrière les étoiles, une raison pour périr ou pour s'offrir en sacrifice; mais ceux qui se sacrifient à la terre, pour qu'un jour la terre appartienne au Surhumain.
J'aime celui qui vit pour conna?tre et qui veut conna?tre afin qu'un jour vive le Surhumain. Car c'est ainsi qu'il veut son propre déclin.
J'aime celui qui travaille et invente, pour batir une demeure au Surhumain, pour préparer à sa venue la terre, les bêtes et les plantes: car c'est ainsi qu'il veut son propre déclin.
J'aime celui qui aime sa vertu: car la vertu est une volonté de déclin, et une flèche de désir.
J'aime celui qui ne réserve pour lui-même aucune parcelle de son esprit, mais qui veut être tout entier l'esprit de sa vertu: car c'est ainsi qu'en esprit il traverse le pont.
J'aime celui qui fait de sa vertu son penchant et sa destinée: car c'est ainsi qu'à cause de sa vertu il voudra vivre encore et ne plus vivre.
J'aime celui qui ne veut pas avoir trop de vertus. Il y a plus de vertus en une vertu qu'en deux vertus, c'est un noeud où s'accroche la destinée.
J'aime celui dont l'ame se dépense, celui qui ne veut pas qu'on lui dise merci et qui ne restitue point: car il donne toujours et ne veut point se conserver.
J'aime celui qui a honte de voir le détomber en sa faveur et qui demande alors: suis-je donc un faux joueur? - car il veut périr.
J'aime celui qui jette des paroles d'or au-devant de ses oeuvres et qui tient toujours plus qu'il ne promet: car il veut son déclin.
J'aime celui qui justifie ceux de l'avenir et qui délivre ceux du passé, car il veut que ceux d'aujourd'hui le fassent périr.
J'aime celui qui chatie son Dieu, parce qu'il aime son Dieu: car il faut que la colère de son Dieu le fasse périr.
J'aime celui dont l'ame est profonde, même dans la blessure, celui qu'une petite aventure peut faire périr: car ainsi, sans hésitation, il passera le pont.
J'aime celui dont l'ame déborde au point qu'il s'oublie lui-même, et que toutes choses soient en lui: ainsi toutes choses deviendront son déclin.
J'aime celui qui est libre de coeur et d'esprit: ainsi sa tête ne sert que d'entrailles à son coeur, mais son coeur l'entra?ne au déclin.
J'aime tous ceux qui sont comme de lourdes gouttes qui tombent une à une du sombre nuage suspendu sur les hommes: elles annoncent l'éclair qui vient, et disparaissent en visionnaires.
Voici, je suis un visionnaire de la foudre, une lourde goutte qui tombe de la nue: mais cette foudre s'appelle le _Surhumain._
5.
Quand Zarathoustra eut dit ces mots, il considéra de nouveau le peuple et se tut, puis il dit à son coeur: "Les voilà qui se mettent à rire; ils ne me comprennent point, je ne suis pas la bouche qu'il faut à ces oreilles.
Faut-il d'abord leur briser les oreilles, afin qu'ils apprennent à entendre avec les yeux? Faut-il faire du tapage comme les cymbales et les prédicateurs de carême? Ou n'ont-ils foi que dans les bègues?
Ils ont quelque chose dont ils sont fiers. Comment nomment-ils donc ce dont ils sont fiers? Ils le nomment civilisation, c'est ce qui les distingue des chevriers.
C'est pourquoi ils n'aiment pas, quand on parle d'eux, entendre le mot de "mépris". Je parlerai donc à leur fierté.
Je vais donc leur parler de ce qu'il y a de plus méprisable: je veux dire le _dernier homme._"
Et ainsi Zarathoustra se mit à parler au peuple:
Il est temps que l'homme se fixe à lui-même son but. Il est temps que l'homme plante le germe de sa plus haute espérance.
Maintenant son sol est encore assez riche. Mais ce sol un jour sera pauvre et stérile et aucun grand arbre ne pourra plus y cro?tre.
Malheur! Les temps sont proches où
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