Actes et Paroles, vol 4 | Page 6

Victor Hugo
souvent nocturne. On pourrait dire que l'humanit�� est en pleine mer. Elle avance lentement, dans un roulis terrible, immense navire battu des vents. Il y a des instants sinistres. A de certains moments, la noirceur de l'horizon est profonde; il semble qu'on aille au hasard. O��? �� l'ab?me. On rencontre un ��cueil, l'empire; on se heurte �� un bas-fond, le Syllabus; on traverse un cyclone, Sedan (mouvement); l'ann��e de l'infaillibilit�� du pape est l'ann��e de la chute de la France; les ouragans et les tonnerres se m��lent; on a au-dessus de sa t��te tout le pass�� en nuage et charg�� de foudres; cet ��clair, c'est le glaive; cet autre ��clair, c'est le sceptre; ce grondement, c'est la guerre. Que va-t-on devenir? Va-t-on finir par s'entre-d��vorer? En viendra-t-on �� un radeau de la M��duse, �� une lutte d'affam��s et de naufrag��s, �� la bataille dans la temp��te? Est-ce qu'il est possible qu'on soit perdu? On l��ve les yeux. On cherche dans le ciel une indication, une esp��rance, un conseil. L'anxi��t�� est au comble. O�� est le salut? Tout �� coup, la brume s'��carte, une lueur appara?t; il semble qu'une d��chirure se fasse dans le noir complot des nu��es, une trou��e blanchit toute cette ombre, et, subitement, �� l'horizon, au-dessus des gouffres, au del�� des nuages, le genre humain frissonnant aper?oit cette haute clart�� allum��e il y a quatre vingts ans par des g��ants sur la cime du dix-huiti��me si��cle, ce majestueux phare �� feux tournants qui pr��sente alternativement aux nations d��sempar��es chacun des trois rayons dont se compose la civilisation future: Libert��, ��galit��, Fraternit��. (Applaudissements prolong��s.)
Libert��, cela s'adresse au peuple; ��galit��, cela s'adresse aux hommes; Fraternit��, cela s'adresse aux ames.
Navigateurs en d��tresse, abordez �� ce grand rivage, la R��publique.
Le port est l��. (Longue acclamation. Cris de: Vive la r��publique! Vive l'amnistie! Vive Victor Hugo!)

II
LE SEIZE MAI
I
LA PROROGATION
Le 16 mai 1877, un essai pr��liminaire de coup d'��tat fut tent�� par M. le mar��chal de Mac-Mahon, pr��sident de la R��publique. Brusquement il cong��dia, sur les plus futiles pr��textes, le minist��re r��publicain de M. Jules Simon, qui r��unissait dans la chambre une majorit�� de deux cents voix. Le nouveau cabinet, sous la pr��sidence de M. de Broglie, ne fut compos�� que de monarchistes.
Deux jours apr��s, un d��cret du pr��sident de la R��publique prorogeait le parlement pour un mois.
Aussit?t les gauches des deux chambres tinrent chacune leur r��union pl��ni��re et r��dig��rent des d��clarations collectives adress��es au pays.
Dans la r��union des gauches du S��nat, Victor Hugo prit la parole:
Dans quelles circonstances l'��v��nement qui nous pr��occupe se produit-il?
Laissez-moi vous le dire. Deux choses me frappent.
Voici la premi��re:
La France ��tait en pleine paix, en pleine convalescence de ses derniers malheurs, en pleine possession d'elle-m��me; la France donnait au monde tous les grands exemples, l'exemple du travail, de l'industrie, du progr��s sous toutes les formes; elle ��tait superbe de tranquillit�� et d'activit��; elle se pr��parait �� convier tous les peuples chez elle; elle prenait l'initiative de l'Exposition universelle, et, meurtrie, mutil��e, mais toujours grande, elle allait donner une f��te �� la civilisation. En ce moment-l��, dans ce calme f��cond et auguste, quelqu'un la trouble. Qui? Son gouvernement. Une sorte de d��claration de guerre est faite. A qui? A la France en paix. Par qui? Par le pouvoir. (Oui! oui!--Adh��sion unanime.)
La seconde chose qui me frappe, la voici:
Si la France est en paix, l'Europe ne l'est pas. Si au dedans nous sommes tranquilles, au dehors nous sommes inquiets. Le continent prend feu. Deux empires se heurtent en orient; au nord, un autre empire guette; �� c?t�� du nord, une puissante nation voisine fait son branle-bas de combat. Plus que jamais, il importe que la France, pour rester forte, reste paisible. Eh bien! c'est le moment qu'on choisit pour l'agiter! C'est pour le pays l'heure de la prudence; c'est pour le gouvernement l'heure des imprudences.
Ces deux grands faits, la paix en France, la guerre en Europe, exigeaient tous les deux un gouvernement sage. C'est l'instant que prend le gouvernement pour devenir un gouvernement d'aventure.
Une ��tincelle suffirait pour tout embraser; le gouvernement secoue la torche. (Sensation profonde.)
Oui, gouvernement d'aventure. Je ne veux pas, pour l'instant, le qualifier plus s��v��rement, esp��rant toujours que le pouvoir se sentira averti par l'��normit�� de certains souvenirs, et qu'il s'arr��tera. Je recommande au pouvoir personnel la lecture attentive de la constitution. (Mouvement.)
Il y a l�� sur la responsabilit�� plusieurs articles s��rieux.
J'en pourrais dire davantage. Mais je me borne �� ces quelques paroles. J'ai une fonction comme s��nateur et une mission comme citoyen; je ne faillirai ni �� l'une ni �� l'autre.
Vous, mes coll��gues, vous r��sisterez vaillamment, je le sais et je le d��clare, aux empi��tements ill��gaux et aux usurpations inconstitutionnelles. Surveillons plus que jamais le pouvoir. Dans la situation o�� nous sommes, souvenez-vous de ceci: toute la d��fiance que vous montrerez au nouveau minist��re, vous sera rendue
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