Acté | Page 3

Alexandre Dumas, père
arrivés le jour des nones, qui est de bon augure.
--Tu as raison, ma?tre, dit l'adolescent; et il toucha la plage du pied droit; son compagnon en fit autant.
--étranger, dit, s'adressant au plus agé des deux voyageurs, la jeune fille qui avait entendu ces paroles prononcées dans le dialecte ionien, la terre de la Grèce, de quelque pied qu'on la touche, est propice à quiconque l'aborde avec des intentions amies: c'est la terre des amours, de la poésie et des combats; elle a des couronnes pour les amants, pour les poètes et pour les guerriers. Qui que tu sois, étranger, accepte celle-ci en attendant celle que tu viens chercher, sans doute.
Le jeune homme prit vivement et mit sur sa tête la couronne que lui présentait la Corinthienne.
--Les dieux nous sont propices, s'écria-t-il. Regarde, Sporus, l'oranger, ce pommier des Hespérides, dont les fruits d'or ont donné la victoire à Hippomène, en ralentissant la course d'Atalante, et le laurier-rose, l'arbre cher à Apollon. Comment t'appelles-tu, prophétesse de bonheur?
--Je me nomme Acté, répondit en rougissant la jeune fille.
--Acté! s'écria le plus agé des deux voyageurs. Entends-tu, Sporus? Nouveau présage: Acté, c'est-à-dire la rive. Ainsi la terre de Corinthe m'attendait pour me couronner.
--Qu'y-a-t-il là d'étonnant? n'es-tu pas prédestiné, Lucius, répondit l'enfant.
--Si je ne me trompe, demanda timidement la jeune fille, tu viens pour disputer un des prix offerts aux vainqueurs par le proconsul romain.
--Tu as re?u le talent de la divination en même temps que le don de la beauté, dit Lucius.
--Et sans doute tu as quelque parent dans la ville?
--Toute ma famille est à Rome.
--Quelque ami, peut-être?
--Mon seul ami est celui que tu vois, et, comme moi, il est étranger à Corinthe.
--Quelque connaissance, alors?
--Aucune.
--Notre maison est grande, et mon père est hospitalier, continua la jeune fille; Lucius daignera-t-il nous donner la préférence? nous prierons Castor et Pollux de lui être favorables.
--Ne serais-tu pas leur soeur Hélène, jeune fille? interrompit Lucius en souriant. On dit qu'elle aimait à se baigner dans une fontaine qui ne doit pas être bien loin d'ici. Cette fontaine avait sans doute le don de prolonger la vie et de conserver la beauté. C'est un secret que Vénus aura révélé à Paris, et que Paris t'aura confié. S'il en est ainsi, conduis-moi à cette fontaine, belle Acté: car, maintenant que je t'ai vue, je voudrais vivre éternellement, afin de te voir toujours.
--Hélas! je ne suis point une déesse, répondit Acté, et la source d'Hélène n'a point ce merveilleux privilège; au reste, tu ne t'es pas trompé sur sa situation, la voilà à quelques pas de nous, qui se précipite à la mer du haut d'un rocher.
--Alors, ce temple qui s'élève près d'elle est celui de Neptune?
--Oui, et cette allée bordée de pins mène au stade. Autrefois, dit-on, en face de chaque arbre s'élevait une statue; mais Mummius les a enlevées, et elles ont à tout jamais quitté ma patrie pour la tienne. Veux-tu prendre cette allée, Lucius, continua en souriant la jeune fille, elle conduit à la maison de mon père.
--Que penses-tu de cette offre, Sporus? dit le jeune homme, changeant de dialecte et parlant la langue latine.
--Que ta fortune ne t'a pas donné le droit de douter de ta constance.
--Eh bien! fions-nous donc à elle cette fois encore, car jamais elle ne s'est présentée sous une forme plus entra?nante et plus enchanteresse.
Alors, changeant d'idiome et revenant au dialecte ionien, qu'il parlait avec la plus grande pureté:
?Conduis-nous, jeune fille, dit Lucius, car nous sommes prêts à te suivre; et toi, Sporus, recommande à Lybicus de veiller sur Phoebé.
Acté marcha la première, tandis que l'enfant, pour obéir à l'ordre de son ma?tre, remontait sur le navire. Arrivé au stade, elle s'arrêta:
--Vois, dit-elle à Lucius, voici le gymnase. Il est tout prêt et sablé, car c'est après-demain que les jeux commencent, et ils commencent par la lutte. à droite, de l'autre c?té du ruisseau, à l'extrémité de cette allée de pins, voici l'hippodrome; le second jour, comme tu le sais, sera consacré à la course des chars. Puis enfin, à moitié chemin de la colline dans la direction de la citadelle, voici le théatre où se disputera le prix du chant: quelle est celle des trois couronnes que compte disputer Lucius?
--Toutes trois, Acté.
--Tu es ambitieux, jeune homme.
--Le nombre trois pla?t aux dieux, dit Sporus qui venait de rejoindre son compagnon, et les voyageurs, guidés par leur belle h?tesse, continuèrent leur chemin.
En arrivant près de la ville, Lucius s'arrêta:
--Qu'est-ce que cette fontaine, dit-il, et quels sont ces bas-reliefs brisés? Ils me paraissent du plus beau temps de la Grèce.
--Cette fontaine est celle de Pyrène, dit Acté; sa fille fut tuée par Diane à cet endroit même, et la déesse, voyant la douleur de la mère, la changea en fontaine sur le corps même de l'enfant qu'elle pleurait. Quant aux bas reliefs, ils sont de
Continue reading on your phone by scaning this QR Code

 / 86
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.