Abrégé de lHistoire Universelle depuis Charlemagne jusques à Charlequint (Tome Prem | Page 4

Voltaire
temps des divisions de la Chine, et de la subjuguer; mais la constitution de l'état n'en a été ni affaiblie ni changée. Le Pays des Conquérants est devenu une partie de l'état conquis, et les Tartares Mandchous, ma?tres aujourd'hui de la Chine, n'ont fait autre chose que se soumettre les armes à la main aux Lois du Pays dont ils ont envahi le Tr?ne.
Le revenu ordinaire de l'Empereur se monte, selon les supputations les plus vraisemblables, à deux cents millions d'onces d'argent. Il est à remarquer que l'once d'argent ne vaut pas cent de nos sous valeur intrinsèque, comme le dit l'Histoire de la Chine; car il n'y a point de valeur intrinsèque numéraire; mais à prendre le marc de notre argent à 50 de nos livres de compte, cette somme revient à 1250 millions de notre monnaie en 1740. Je dis en ce temps; car cette valeur arbitraire n'a que trop changé parmi nous, et changera peut-être encore: c'est à quoi ne prennent pas assez garde les écrivains plus instruits des livres que des affaires, qui évaluent souvent l'argent étranger d'une manière fort fautive.
Ils ont eu des Monnaies d'or et d'argent frappées avec le coin, longtemps avant que les Dariques fussent frappés en Perse. L'Empereur Cang-hi avait rassemblé une suite de 3000 de ces monnaies, parmi lesquelles il y en avait beaucoup des Indes; autre preuve de l'ancienneté des Arts dans l'Asie; mais depuis longtemps l'or n'est plus une mesure commune à la Chine, il y est marchandise comme en Hollande, l'argent n'y est plus monnaie: le poids et le titre en font le prix; on n'y frappe plus que du cuivre, qui seul dans ce Pays a une valeur arbitraire. Le Gouvernement dans des temps difficiles a passé en papier, comme on a fait depuis dans plus d'un état de l'Europe; mais jamais la Chine n'a eu l'usage des Banques publiques, qui augmentent les richesses d'une Nation, en multipliant son crédit.
Ce Pays favorisé de la Nature possède presque tous les fruits de notre Europe, et beaucoup d'autres qui nous manquent. Le Blé, le Riz, la Vigne, les Légumes, les Arbres de toutes espèces y couvrent la terre; mais les Peuples n'ont jamais fait de Vin, satisfaits d'une liqueur assez forte qu'ils savent tirer du riz.
L'Insecte précieux qui produit la Soie, est originaire de la Chine; c'est de-là qu'il passa en Perse assez tard avec l'Art de faire des étoffes, du duvet qui les couvre; et ces étoffes étaient si rares du temps même de Justinien, que la Soie se vendait en Europe au poids de l'or.
Le Papier fin et d'un blanc éclatant était fabriqué chez les Chinois de temps immémorial, on en faisait avec les filets de bois de Bambou bouilli. On ne conna?t pas la première époque de la Porcelaine et de ce beau Vernis qu'on commence à imiter et à égaler en Europe.
Ils savent depuis 2000 ans fabriquer le Verre, mais moins beau et moins transparent que le n?tre.
L'Imprimerie y fut inventée par eux du temps de Jules César. On sait que cette Imprimerie est une gravure sur des planches de bois, telle que Gutenberg la pratiqua le premier à Mayence au XIVe Siècle. L'Art de graver les caractères sur le bois, est plus perfectionné à la Chine; notre méthode d'employer les caractères mobiles et de fonte, beaucoup supérieure à la leur, n'a point encore été adoptée par eux, tant ils sont attachés à leurs anciens usages.
Ils avaient un peu de Musique, mais si informe et si grossière, qu'ils ignoraient les semi-tons.
L'usage des Cloches est chez eux de la plus haute antiquité. Ils ont cultivé la Chimie, et sans devenir jamais bons Physiciens, ils ont inventé la poudre; mais ils ne s'en servaient que dans des Fêtes, dans l'Art des Feux d'artifice, où ils ont surpassé les autres Nations. Ce furent les Portugais qui dans ces derniers Siècles leur ont enseigné l'usage de l'Artillerie, et ce sont les Jésuites qui leur ont appris à fondre le Canon. Si les Chinois ne s'appliquent pas à inventer ces instruments destructeurs, il ne faut pas en louer leur vertu, puisqu'ils n'en ont pas moins fait la guerre.
Jamais leur Géométrie n'alla au-delà des simples éléments. Ils poussèrent plus loin l'Astronomie, en tant qu'elle est la science des yeux et le fruit de la patience. Ils observèrent le Ciel assid?ment, remarquèrent tous les phénomènes, et les transmirent à la postérité. Ils divisèrent, comme nous, le cours du Soleil en 365 parties. Ils connurent, mais confusément, la précision des équinoxes et des Solstices. Ce qui mérite peut-être le plus d'attention, c'est que de temps immémorial ils partagent le mois en semaines de sept jours.
On montre encore les instruments dont se servit un de leurs fameux Astronomes mille ans avant notre ère, dans une Ville qui n'est que du troisième ordre.
Nankin, l'ancienne Capitale,
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