simplement fait ici. Vraiment non?? ?Je ne pourrai pas d?ner, répondait Mme Bontemps, mais je me rassieds un instant, vous savez, moi j'adore causer avec une femme intelligente comme vous.? ?Vous allez me trouver indiscrète, Odette, mais j'aimerais savoir comment vous jugez le chapeau qu'avait Mme Trombert. Je sais bien que la mode est aux grands chapeaux. Tout de même n'y a-t-il pas un peu d'exagération? Et à c?té de celui avec lequel elle est venue l'autre jour chez moi, celui qu'elle portait tant?t était microscopique.? ?Mais non je ne suis pas intelligente, disait Odette, pensant que cela faisait bien. Je suis au fond une gobeuse, qui croit tout ce qu'on lui dit, qui se fait du chagrin pour un rien.? Et elle insinuait qu'elle avait, au commencement, beaucoup souffert d'avoir épousé un homme comme Swann qui avait une vie de son c?té et qui la trompait.? Cependant le Prince d'Agrigente ayant entendu les mots: ?Je ne suis pas intelligente?, trouvait de son devoir de protester, mais il n'avait pas d'esprit de répartie. ?Taratata, s'écriait Mme Bontemps, vous pas intelligente!? ?En effet je me disais: ?Qu'est-ce que j'entends? disait le Prince en saisissant cette perche. Il faut que mes oreilles m'aient trompé.? ?Mais non, je vous assure, disait Odette, je suis au fond une petite bourgeoise très choquable, pleine de préjugés, vivant dans son trou, surtout très ignorante.? Et pour demander des nouvelles du baron de Charlus: ?Avez-vous vu cher baronet?? lui disait-elle. ?Vous, ignorante, s'écriait Mme Bontemps! Hé bien alors qu'est-ce que vous diriez du monde officiel, toutes ces femmes d'Excellences, qui ne savent parler que de chiffons!... Tenez, madame, pas plus tard qu'il y a huit jours je mets sur Lohengrin la ministresse de l'Instruction publique. Elle me répond: ?Lohengrin? Ah! oui, la dernière revue des Folies-Bergères, il para?t que c'est tordant.? Hé bien! madame, qu'est-ce que vous voulez, quand on entend des choses comme ?a, ?a vous fait bouillir. J'avais envie de la gifler. Parce que j'ai mon petit caractère vous savez. Voyons, monsieur, disait-elle en se tournant vers moi, est-ce que je n'ai pas raison?? ?écoutez, disait Mme Cottard, on est excusable de répondre un peu de travers quand on est interrogée ainsi de but en blanc, sans être prévenue. J'en sais quelque chose car Mme Verdurin a l'habitude de nous mettre aussi le couteau sur la gorge.? ?A propos de Mme Verdurin demandait Mme Bontemps à Mme Cottard, savez-vous qui il y aura mercredi chez elle?... Ah! je me rappelle maintenant que nous avons accepté une invitation pour mercredi prochain. Vous ne voulez pas d?ner de mercredi en huit avec nous. Nous irions ensemble chez Madame Verdurin. Cela m'intimide d'entrer seule, je ne sais pas pourquoi cette grande femme m'a toujours fait peur.? ?Je vais vous le dire, répondait Mme Cottard, ce qui vous effraye chez Mme Verdurin, c'est son organe. Que voulez-vous, tout le monde n'a pas un aussi joli organe que Madame Swann. Mais le temps de prendre langue comme dit la Patronne et la glace sera bient?t rompue. Car dans le fond elle est très accueillante. Mais je comprends très bien votre sensation, ce n'est jamais agréable de se trouver la première fois en pays perdu?. Vous pourriez aussi d?ner avec nous, disait Mme Bontemps à Mme Swann. Après d?ner on irait tous ensemble en Verdurin, faire Verdurin; et même si ce devait avoir pour effet que la Patronne me fasse les gros yeux et ne m'invite plus, une fois chez elle nous resterons toutes les trois à causer entre nous, je sens que c'est ce qui m'amusera le plus.? Mais cette affirmation ne devait pas être très véridique car Mme Bontemps demandait: ?Qui pensez-vous qu'il y aura de mercredi en huit? Qu'est-ce qui se passera? Il n'y aura pas trop de monde, au moins?? ?Moi, je n'irai certainement pas, disait Odette. Nous ne ferons qu'une petite apparition au mercredi final. Si cela vous est égal d'attendre jusque-là...? Mais Mme Bontemps ne semblait pas séduite par cette proposition d'ajournement.
Bien que les mérites spirituels d'un salon et son élégance soient généralement en rapports inverses plut?t que directs, il faut croire, puisque Swann trouvait Mme Bontemps agréable, que toute déchéance acceptée a pour conséquence de rendre les gens moins difficiles sur ceux avec qui ils sont résignés à se plaire, moins difficiles sur leur esprit comme sur le reste. Et si cela est vrai, les hommes doivent, comme les peuples, voir leur culture et même leur langage dispara?tre avec leur indépendance. Un des effets de cette indulgence est d'aggraver la tendance qu'à partir d'un certain age on a à trouver agréables les paroles qui sont un hommage à notre propre tour d'esprit, à nos penchants, un encouragement à nous y livrer; cet age-là est celui où un grand artiste préfère à la société de
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