20000 Lieues sous les mers | Page 9

Jules Verne
br?laient les pieds, et qui n'y pouvaient tenir en place ! Et cependant. L'_Abraham-Lincoln_ ne tranchait pas encore de son ��trave les eaux suspectes du Pacifique.
Quant �� l'��quipage, il ne demandait qu'�� rencontrer la licorne, �� la harponner. et �� la hisser �� bord, �� la d��pecer. Il surveillait la mer avec une scrupuleuse attention. D'ailleurs, le commandant Farragut parlait d'une certaine somme de deux mille dollars, r��serv��e �� quiconque, mousse ou matelot, ma?tre ou officier, signalerait l'animal. Je laisse �� penser si les yeux s'exer?aient �� bord de l'_Abraham-Lincoln_.
Pour mon compte, je n'��tais pas en reste avec les autres, et je ne laissais �� personne ma part d'observations quotidiennes. La fr��gate aurait eu cent fois raison de s'appeler l'Argus. Seul entre tous, Conseil protestait par son indiff��rence touchant la question qui nous passionnait, et d��tonnait sur l'enthousiasme g��n��ral du bord.
J'ai dit que le commandant Farragut avait soigneusement pourvu son navire d'appareils propres �� p��cher le gigantesque c��tac��. Un baleinier n'e?t pas ��t�� mieux arm��. Nous poss��dions tous les engins connus, depuis le harpon qui se lance �� la main, jusqu'aux fl��ches barbel��es des espingoles et aux balles explosibles des canardi��res. Sur le gaillard d'avant s'allongeait un canon perfectionn��, se chargeant par la culasse, tr��s ��pais de parois, tr��s ��troit d'ame, et dont le mod��le doit figurer �� l'Exposition universelle de 1867. Ce pr��cieux instrument, d'origine am��ricaine, envoyait sans se g��ner, un projectile conique de quatre kilogrammes �� une distance moyenne de seize kilom��tres.
Donc, l'_Abraham-Lincoln_ ne manquait d'aucun moyen de destruction. Mais il avait mieux encore. Il avait Ned Land, le roi des harponneurs.
Ned Land ��tait un Canadien, d'une habilet�� de main peu commune, et qui ne connaissait pas d'��gal dans son p��rilleux m��tier. Adresse et sang-froid, audace et ruse, il poss��dait ces qualit��s �� un degr�� sup��rieur, et il fallait ��tre une baleine bien maligne, ou un cachalot singuli��rement astucieux pour ��chapper �� son coup de harpon.
Ned Land avait environ quarante ans. C'��tait un homme de grande taille -- plus de six pieds anglais -- vigoureusement bati, l'air grave, peu communicatif, violent parfois, et tr��s rageur quand on le contrariait. Sa personne provoquait l'attention, et surtout la puissance de son regard qui accentuait singuli��rement sa physionomie.
Je crois que le commandant Farragut avait sagement fait d'engager cet homme �� son bord. Il valait tout l'��quipage, �� lui seul, pour l'oeil et le bras. Je ne saurais le mieux comparer qu'�� un t��lescope puissant qui serait en m��me temps un canon toujours pr��t �� partir.
Qui dit Canadien, dit Fran?ais, et, si peu communicatif que f?t Ned Land, je dois avouer qu'il se prit d'une certaine affection pour moi. Ma nationalit�� l'attirait sans doute. C'��tait une occasion pour lui de parler, et pour moi d'entendre cette vieille langue de Rabelais qui est encore en usage dans quelques provinces canadiennes. La famille du harponneur ��tait originaire de Qu��bec, et formait d��j�� un tribu de hardis p��cheurs �� l'��poque o�� cette ville appartenait �� la France.
Peu �� peu, Ned prit go?t �� causer. et j'aimais �� entendre le r��cit de ses aventures dans les mers polaires. Il racontait ses p��ches et ses combats avec une grande po��sie naturelle. Son r��cit prenait une forme ��pique, et je croyais ��couter quelque Hom��re canadien, chantant l'Iliade des r��gions hyperbor��ennes.
Je d��peins maintenant ce hardi compagnon, tel que je le connais actuellement. C'est que nous sommes devenus de vieux amis, unis de cette inalt��rable amiti�� qui na?t et se cimente dans les plus effrayantes conjonctures ! Ah ! brave Ned ! je ne demande qu'�� vivre cent ans encore, pour me souvenir plus longtemps de toi !
Et maintenant, quelle ��tait l'opinion de Ned Land sur la question du monstre marin ? Je dois avouer qu'il ne croyait gu��re �� la licorne, et que, seul �� bord, il ne partageait pas la conviction g��n��rale. Il ��vitait m��me de traiter ce sujet, sur lequel je crus devoir l'entreprendre un jour.
Par une magnifique soir��e du 30 juillet, c'est-��-dire trois semaines apr��s notre d��part, la fr��gate se trouvait �� la hauteur du cap Blanc, �� trente milles sous le vent des c?tes patagonnes. Nous avions d��pass�� le tropique du Capricorne, et le d��troit de Magellan s'ouvrait �� moins de sept cent milles dans le sud. Avant huit jours, l'_Abraham-Lincoln_ sillonnerait les flots du Pacifique.
Assis sur la dunette, Ned Land et moi, nous causions de choses et d'autres, regardant cette myst��rieuse mer dont les profondeurs sont rest��es jusqu'ici inaccessibles aux regards de l'homme. J'amenai tout naturellement la conversation sur la licorne g��ante, et j'examinai les diverses chances de succ��s ou d'insucc��s de notre exp��dition. Puis, voyant que Ned me laissait parler sans trop rien dire, je le poussai plus directement.
? Comment, Ned, lui demandai-je, comment pouvez-vous ne pas ��tre convaincu de l'existence du c��tac�� que nous poursuivons ? Avez-vous donc des raisons particuli��res de
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