ne se f?t englouti avec les deux cent trente-sept passagers qu'il ramenait du Canada.
L'accident ��tait arriv�� vers cinq heures du matin, lorsque le jour commen?ait �� poindre. Les officiers de quart se pr��cipit��rent �� l'arri��re du batiment. Ils examin��rent l'Oc��an avec la plus scrupuleuse attention. Ils ne virent rien, si ce n'est un fort remous qui brisait �� trois encablures, comme si les nappes liquides eussent ��t�� violemment battues. Le rel��vement du lieu fut exactement pris, et le Moravian continua sa route sans avaries apparentes. Avait-il heurt�� une roche sous-marine, ou quelque ��norme ��pave d'un naufrage ? On ne put le savoir ; mais, examen fait de sa car��ne dans les bassins de radoub, il fut reconnu qu'une partie de la quille avait ��t�� bris��e.
Ce fait, extr��mement grave en lui-m��me, e?t peut-��tre ��t�� oubli�� comme tant d'autres, si, trois semaines apr��s, il ne se f?t reproduit dans des conditions identiques. Seulement, grace �� la nationalit�� du navire victime de ce nouvel abordage, grace �� la r��putation de la Compagnie �� laquelle ce navire appartenait, l'��v��nement eut un retentissement immense.
Personne n'ignore le nom du c��l��bre armateur anglais Cunard. Cet intelligent industriel fonda, en 1840, un service postal entre Liverpool et Halifax, avec trois navires en bois et �� roues d'une force de quatre cents chevaux, et d'une jauge de onze cent soixante-deux tonneaux. Huit ans apr��s, le mat��riel de la Compagnie s'accroissait de quatre navires de six cent cinquante chevaux et de dix-huit cent vingt tonnes, et, deux ans plus tard, de deux autres batiments sup��rieurs en puissance et en tonnage. En 1853, la compagnie Cunard, dont le privil��ge pour le transport des d��p��ches venait d'��tre renouvel��, ajouta successivement �� son mat��riel l'Arabia, le Persia, le China, le Scotia, le Java, le Russia, tous navires de premi��re marche, et les plus vastes qui, apr��s le _Great-Eastern_, eussent jamais sillonn�� les mers. Ainsi donc, en 1867, la Compagnie poss��dait douze navires, dont huit �� roues et quatre �� h��lices.
Si je donne ces d��tails tr��s succincts, c'est afin que chacun sache bien quelle est l'importance de cette compagnie de transports maritimes, connue du monde entier pour son intelligente gestion. Nulle entreprise de navigation transoc��anienne n'a ��t�� conduite avec plus d'habilet�� ; nulle affaire n'a ��t�� couronn��e de plus de succ��s. Depuis vingt-six ans, les navires Cunard ont travers�� deux mille fois l'Atlantique, et jamais un voyage n'a ��t�� manqu��, jamais un retard n'a eu lieu, jamais ni une lettre, ni un homme, ni un batiment n'ont ��t�� perdus. Aussi, les passagers choisissent-ils encore, malgr�� la concurrence puissante que lui fait la France, la ligne Cunard de pr��f��rence �� toute autre, ainsi qu'il appert d'un relev�� fait sur les documents officiels des derni��res ann��es. Ceci dit, personne ne s'��tonnera du retentissement que provoqua l'accident arriv�� �� l'un de ses plus beaux steamers.
Le 13 avril 1867, la mer ��tant belle, la brise maniable, le Scotia se trouvait par 15��12' de longitude et 45��37' de latitude. Il marchait avec une vitesse de treize noeuds quarante-trois centi��mes sous la pouss��e de ses mille chevaux-vapeur. Ses roues battaient la mer avec une r��gularit�� parfaite. Son tirant d'eau ��tait alors de six m��tres soixante-dix centim��tres, et son d��placement de six mille six cent vingt-quatre m��tres cubes.
A quatre heures dix-sept minutes du soir, pendant le lunch des passagers r��unis dans le grand salon, un choc, peu sensible, en somme, se produisit sur la coque du Scotia, par sa hanche et un peu en arri��re de la roue de babord.
Le Scotia n'avait pas heurt��, il avait ��t�� heurt��, et plut?t par un instrument tranchant ou perforant que contondant. L'abordage avait sembl�� si l��ger que personne ne s'en f?t inqui��t�� �� bord, sans le cri des caliers qui remont��rent sur le pont en s'��criant :
? Nous coulons ! nous coulons ! ?
Tout d'abord, les passagers furent tr��s effray��s ; mais le capitaine Anderson se hata de les rassurer. En effet, le danger ne pouvait ��tre imminent. Le Scotia, divis�� en sept compartiments par des cloisons ��tanches, devait braver impun��ment une voie d'eau.
Le capitaine Anderson se rendit imm��diatement dans la cale. Il reconnut que le cinqui��me compartiment avait ��t�� envahi par la mer, et la rapidit�� de l'envahissement prouvait que la voie d'eau ��tait consid��rable. Fort heureusement, ce compartiment ne renfermait pas les chaudi��res, car les feux se fussent subitement ��teints.
Le capitaine Anderson fit stopper imm��diatement, et l'un des matelots plongea pour reconna?tre l'avarie. Quelques instants apr��s, on constatait l'existence d'un trou large de deux m��tres dans la car��ne du steamer. Une telle voie d'eau ne pouvait ��tre aveugl��e, et le Scotia, ses roues �� demi noy��es, dut continuer ainsi son voyage. Il se trouvait alors �� trois cent mille du cap Clear, et apr��s trois jours d'un retard qui inqui��ta vivement Liverpool, il entra dans les bassins de la Compagnie.
Les ing��nieurs proc��d��rent
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