du fait, je me renfermai dans une absolue n��gation. Mais bient?t, coll�� au mur, je dus m'expliquer cat��goriquement. Et m��me, ? l'honorable Pierre Aronnax, professeur au Mus��um de Paris ?, fut mis en demeure par le _New York-Herald_ de formuler une opinion quelconque.
Je m'ex��cutai. Je parlai faute de pouvoir me taire. Je discutai la question sous toutes ses faces, politiquement et scientifiquement, et je donne ici un extrait d'un article tr��s nourri que je publiai dans le num��ro du 30 avril.
? Ainsi donc, disais-je, apr��s avoir examin�� une �� une les diverses hypoth��ses, toute autre supposition ��tant rejet��e, il faut n��cessairement admettre l'existence d'un animal marin d'une puissance excessive.
? Les grandes profondeurs de l'Oc��an nous sont totalement inconnues. La sonde n'a su les atteindre. Que se passe-t-il dans ces ab?mes recul��s ? Quels ��tres habitent et peuvent habiter �� douze ou quinze milles au-dessous de la surface des eaux ? Quel est l'organisme de ces animaux ? On saurait �� peine le conjecturer.
? Cependant, la solution du probl��me qui m'est soumis peut affecter la forme du dilemme.
? Ou nous connaissons toutes les vari��t��s d'��tres qui peuplent notre plan��te, ou nous ne les connaissons pas.
? Si nous ne les connaissons pas toutes, si la nature a encore des secrets pour nous en ichtyologie, rien de plus acceptable que d'admettre l'existence de poissons ou de c��tac��s, d'esp��ces ou m��me de genres nouveaux, d'une organisation essentiellement ? fondri��re ?, qui habitent les couches inaccessibles �� la sonde, et qu'un ��v��nement quelconque, une fantaisie, un caprice, si l'on veut, ram��ne �� de longs intervalles vers le niveau sup��rieur de l'Oc��an.
? Si, au contraire, nous connaissons toutes les esp��ces vivantes, il faut n��cessairement chercher l'animal en question parmi les ��tres marins d��j�� catalogu��s, et dans ce cas, je serai dispos�� �� admettre l'existence d'un _Narwal g��ant_.
? Le narwal vulgaire ou licorne de mer atteint souvent une longueur de soixante pieds. Quintuplez, d��cuplez m��me cette dimension, donnez �� ce c��tac�� une force proportionnelle �� sa taille, accroissez ses armes offensives, et vous obtenez l'animal voulu. Il aura les proportions d��termin��es par les Officiers du Shannon, l'instrument exig�� par la perforation du Scotia, et la puissance n��cessaire pour entamer la coque d'un steamer.
? En effet, le narwal est arm�� d'une sorte d'��p��e d'ivoire, d'une hallebarde, suivant l'expression de certains naturalistes. C'est une dent principale qui a la duret�� de l'acier. On a trouv�� quelques-unes de ces dents implant��es dans le corps des baleines que le narwal attaque toujours avec succ��s. D'autres ont ��t�� arrach��es, non sans peine, de car��nes de vaisseaux qu'elles avaient perc��es d'outre en outre, comme un foret perce un tonneau. Le mus��e de la Facult�� de m��decine de Paris poss��de une de ces d��fenses longue de deux m��tres vingt-cinq centim��tres, et large de quarante-huit centim��tres �� sa base !
? Eh bien ! supposez l'arme dix fois plus forte, et l'animal dix fois plus puissant, lancez-le avec une rapidit�� de vingt milles �� l'heure, multipliez sa masse par sa vitesse, et vous obtenez un choc capable de produire la catastrophe demand��e.
? Donc, jusqu'�� plus amples informations, j'opinerais pour une licorne de mer, de dimensions colossales, arm��e, non plus d'une hallebarde, mais d'un v��ritable ��peron comme les fr��gates cuirass��es ou les ? rams ? de guerre, dont elle aurait �� la fois la masse et la puissance motrice.
? Ainsi s'expliquerait ce ph��nom��ne inexplicable -- �� moins qu'il n'y ait rien, en d��pit de ce qu'on a entrevu, vu, senti et ressenti -- ce qui est encore possible ! ?
Ces derniers mots ��taient une lachet�� de ma part ; mais je voulais jusqu'�� un certain point couvrir ma dignit�� de professeur, et ne pas trop pr��ter �� rire aux Am��ricains, qui rient bien, quand ils rient. Je me r��servais une ��chappatoire. Au fond, j'admettais l'existence du ? monstre ?.
Mon article fut chaudement discut��, ce qui lui valut un grand retentissement. Il rallia un certain nombre de partisans. La solution qu'il proposait, d'ailleurs, laissait libre carri��re �� l'imagination. L'esprit humain se pla?t �� ces conceptions grandioses d'��tres surnaturels. Or la mer est pr��cis��ment leur meilleur v��hicule, le seul milieu o�� ces g��ants pr��s desquels les animaux terrestres, ��l��phants ou rhinoc��ros, ne sont que des nains -- puissent se produire et se d��velopper. Les masses liquides transportent les plus grandes esp��ces connues de mammif��res, et peut-��tre rec��lent-elles des mollusques d'une incomparable taille, des crustac��s effrayants �� contempler, tels que seraient des homards de cent m��tres ou des crabes pesant deux cents tonnes ! Pourquoi nous ? Autrefois, les animaux terrestres, contemporains des ��poques g��ologiques, les quadrup��des, les quadrumanes, les reptiles, les oiseaux ��taient construits sur des gabarits gigantesques. Le Cr��ateur les avait jet��s dans un moule colossal que le temps a r��duit peu �� peu. Pourquoi la mer, dans ses profondeurs ignor��es, n'aurait-elle pas gard�� ces vastes ��chantillons de
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